Je procède moi-même à mes propres sondages sur la qualité de la campagne, en allumant de temps en temps TV5. Ce que j'y vois et entends me déprime profondément. J'attends toujours d'y voir Bayrou ou ses représentants, ce qui explique son absence de ce billet---et, encore une fois, ma technique de sondage est très peu fiable. Mais hier j'entendais Sarkozy, la voix rauque et le coup de menton berlusconien, se faire ovationner par des pêcheurs bretons qui "non, ne sont pas des voyous, mais se battent pour ne pas mourir !". Très courageux, vu l'auditoire ; et les dérapages signalés par les commentateurs sur ce blog s'additionnent. Au minimum, ces interventions jettent un doute sur sa capacité à se concentrer sur les vrais problèmes.
Le vrai problème numéro un, c'est évidemment le chômage. Les 27 économistes "aux parcours divers et aux opinions variées" (c'est un peu une figure de style en l'occurrence) qui ont publié un appel en faveur de Royal dans Les Echos hier lui donnent une place étonnamment accessoire dans leur argumentaire. Il n'est pas absent : "la fiscalité doit [...] peser moins lourdement sur le travail", création d'un "service public de l'emploi" et d'un "service public de la garde d'enfants" (is there a pattern there?). Mais l'Université, par exemple, pèse plus lourd dans ce catalogue.
Bien sûr, améliorer nos universités aura un impact sur l'emploi, tout comme toutes les autres mesures préconisées par les uns et les autres. Mais il est un peu troublant pour moi de constater qu'en 2007, après vingt-cing ans de chômage supérieur à 8%, le chômage est reléhgué aux marges du débat (par les uns comme par les autres, cf les pêcheurs de Lorient, les marqueurs génétiques des pédophiles et autre Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale de Sarkozy). Cette campagne était annoncée comme celle du renouvellement, exeunt dinosauri et vive la nouvelle génération. Jusqu'ici, ce n'est pas convaincant.
Et la citation du jour ? C'est Arnaud Montebourg qui décroche le pompon. Un précédent écart verbal lui avait déjà valu un carton jaune (je reprends les termes de sa chef, vous voyez que je suis !). Sera-ce un carton rouge cette fois ? Voyons, à propos des projets constitutionnels de Royal :
C'est une révolution, mais une révolution raisonnable et maîtrisée ; elle sera douce, comme celle qui va la porter.
Je n'ose même pas imaginer ce qui arriverait au porte-parole d'Hillary Clinton s'il utilisait ce genre d'argument.... j'ai éteint ma télé d'un réflexe spasmodique, ou peut-être est-ce Montebourg qui l'a lui-même fait, comme dans le chapitre 7 du Guide du routard galactique (un peu adapté par moi) :
Grunthos was about to launch into an outlandish laudation of his candidate when his own major intestine, in a desperate effort to rescue the campaign, jumped through his neck and throttled his brain.