Il y aura bientôt trente mois que
j'ai commencé à m'exprimer sur le Web, sous la forme
d'un site non-interactif d'abord, puis de ce blog depuis un peu plus
de deux ans. J'y ai posté 340 billets, soit un tous les deux
jours environ ; mais cette moyenne cache une tendance à la
baisse que vous avez bien sûr remarquée, ô fidèles
lecteurs. Il m'est de plus en plus difficile de maintenir mes
différentes activités de front : au-delà de ce
blog, enseignement, recherche, codirection de la Review of
Economic Studies, sans parler des livres que j'ai en
projet---conséquence paradoxale puisque c'est un livre qui a
été à l'origine de cette entreprise. Le
résultat, outre un stress accru, est que maintenir ce blog à
niveau est parfois devenu moins un plaisir qu'un devoir, le plus souvent accompli à des heures indues. J'ai donc décidé de
faire une pause, qui me permettra aussi de réfléchir à
la meilleure façon dont je peux contribuer à éclairer
le débat public---”be a Sprinkler of Light, a Dispenser of
Good”, comme dit Joel.
D'aucuns diront que ce blog était
une machine de guerre sarkozyste (parfois bien déguisée,
vous l'admettrez !) et que ma tâche accomplie, je peux
maintenant m'arrêter et en attendre les dividendes. Certes. Le
regretté Lino Ventura avait une réplique pour ces
malotrus. En fait, j'avais déjà pris la décision
de faire une pause au printemps dernier ; mais le classement des
blogs du Monde, outre le “renforcement positif” qu'il m'a donné,
a aussi fait connaître mon blog (un peu) plus largement. A
l'époque, j'avais écrit que je me cantonnerais aux
sujets économiques. Cette bonne résolution s'est bien
sûr effritée à l'approche de l'élection
présidentielle, période par excellence où la
frontière entre économique et politique s'efface assez
largement. En tout état de cause, je m'étais promis de
faire une pause après le second tour, et je me tiens parole,
une fois n'est pas coutume.
Il y a du bon et du mauvais dans
l'expérience d'économiste-blogueur. Le bon, c'est le
dialogue, qui permet à la fois d'apprendre quelles sont les
préoccupations du public éclairé (vide
Turgot en exergue de ce blog), mais aussi de bénéficier de l'apport de
lecteurs qui en savent parfois plus que soi sur un sujet donné.
Le mauvais...c'est que le public de la blogosphère est dominé
par les blogomanes. Les blogomanes sont un échantillon assez
peu représentatif de la population, comme le montre le fait
qu'un tiers peut-être des commentaires (bons ou nuls, là
n'est pas la question) sur ce blog a été posté
par des multi-récidivistes. Beaucoup d'entre eux ont la
dactylographie nettement plus rapide que la réflexion. (ou
l'orthographe !) Il m'est arrivé de penser, en les lisant, au
mot de Samuel Johnson, à qui un interlocuteur reprochait de
lui avoir donné une explication obscure :
L'interlocuteur : I
do not understand you, Sir.
SJ: Sir,
I have found you an argument; but I am not obliged to find you an
understanding.
Ceux
de mes billets qui ont suscité le plus de commentaires ont
invariablement été ceux qui se rapprochaient le plus du
politique. Rien de surprenant, sans doute ; mais mon blog s'est
parfois transformé en ring pour un combat de coqs (et, chose
plus grave, il m'est arrivé de descendre de mon Olympe pour me
mêler à ces débats). La solution consisterait
peut-être à filtrer les commentaires, en
n'autorisant leur publication que s'ils apportent quelque chose au
débat. Ce n'est pas très libéral, mais c'est mon
blog, après tout, pas un service public. Mais surtout, je n'ai
guère le temps de me livrer à cet exercice.
J'ai
lu quelques livres et articles intéressants sur les blogs, et
j'en ai rendu compte parfois ici-même. Le blog remplit souvent
une fonction de bloc-notes (pace Mauriac) : on note ses
réflexions, et on en fait usage ensuite sous une forme plus
structurée. Dans ces 340 (maintenant 341) billets, il y a sans
doute matière à une Economie sans tabou : le retour.
Stay tuned...
Je
remercie tous mes lecteurs pour leur fidélité. Il y
avait une petite centaine de lecteurs au début, puis six cents
par jour en moyenne, avec des pointes proches de deux mille. Les
trois-quarts étaient en France bien sûr, mais en
regardant mes stats sur Statcounter, j'ai toujours été
frappé de votre dispersion géographique. Au-delà
des surprises un peu inquiétantes (comme le jour où un
lecteur s'est connecté du Waziristan...), la carte retrace
celle de la francophonie, avec des exceptions qui correspondent aux
endroits où des étudiants ou enseignants français
se sont installés : 5% de lecteurs aux Etats-Unis, 4% au
Royaume-Uni. J'ai eu des lecteurs sur tous les continents, et je les
salue tous. J'ai
reçu beaucoup de messages d'encouragement au cours de ces
trente mois, et je les ai uniformément appréciés.
Merci du fond du coeur de m'avoir accompagné dans cette
aventure.