J'ai oublié l'essentiel de mon latin, sauf l'ablatif absolu ("Partibus factis, verba fecit leo") et le jugement de la postérité sur Socrate:
Socrates accusatus est, quod corrumperet juventutem.
(où Quintilien refuse d'écrire "corrumpebat", j'espère que vous appréciez la nuance...).
Opposition française à la guerre en Irak oblige, la France s'est acquise une popularité extraordinaire dans le monde : elle est en tête de rang parmi les pays dont on souhaite qu'ils aient plus de poids dans les affaires mondiales. C'est plus un vote anti George W qu'un vote profrançais ; mais les déclamations de notre président ont eu un effet assez impressionnant. C'est d'autant plus étonnant que dans la pratique, la vertu de la France est très superficielle. Cet article d'Emmanuelle Auriol dans l'Expansion nous rappelle que nous sommes dans la queue du peloton en ce qui concerne la lutte contre la corruption, pourtant érigée en principe de développement ces temps-ci. Nous nous sommes longuement fait tirer l'oreille avant de signer les conventions internationales en la matière, et nous les violons presqu'aussi allègrement qu'avant. Mais tant que Bush est là, ça ne se voit pas trop... de l'utilité de l'Amérique dans les affaires françaises, j'y reviendrai, mais je ne résiste pas au plaisir de vous signaler l'usage qu'en fait l'inénarrable Ignacio Ramonet, indéboulonnable rédacteur en chef du Monde Diplomatique.
La vision du monde selon Ignacio est simple : tout ce qui arrive de mal est un complot américain. Ce qu'il y a de formidable dans ce type d'holisme, c'est qu'il apporte une réponse simple à toutes les questions embarrassantes. Débat parfaitement creux---des deux côtés--- dans le dernier numéro de Foreign Policy: "Was Castro Good for Cuba?" Ignacio répond "good, very good", natürlich, dans la plus pure langue de bois :
It is a shame that while you look back with heated reproaches, you do not see the truth of what is happening in Cuba today and do not know how to decode the permanence of its socialist regime.
Et quand on lui rappellle les violations des droits de l'homme, la réponse fuse, inspirée :
As long as we are talking about gross human rights violations, why don't we begin with the United States' continued protection of two avowed terrorists, Cuban exiles Luis Posada Carriles and Orlando Bosch, who are accused of blowing up a Cuban civil aircraft on Oct 6, 1976, killing 73 people?
Sue ce fait précis, il a probablement raison. Différence majeure, toutefois : le New Yorker a consacré 10 pages à cette saumâtre histoire il y a plusieurs mois, je doute que les journaux cubains rapportent les violations des droits de l'homme à La Havane... les élections me semblent aussi un peu plus libres aux Etats-Unis, mais peu importe : Ignacio est très fort. D'ailleurs il nous le dit : son antiaméricanisme fait de lui, lo and behold comme dirait Tolkien, un prominent intellectual ! Ce ne peut être qu'un canular, personne n'est aussi bête et arrogant de nos jours, mais je le livre tel quel (page 64 du numéro de janvier-février) :
Prominent intellectuals have always been on the side of those plagued by the arrogance of the powerful. Opponents of Fidel Castro's Cuba are no exception.
Ah, l'autocélébration, il n'y a que cela de vrai...
Impressionnant, je crois qu'à lui tout seul votre Ignacio bat les 150 cuistres signataires du courageux appel du nouvel obs :
http://tempsreel.nouvelobs.com/speciales/elysee_2007/20070227.OBS4464/avant_quil_ne_soit_trop_tard.html
Rédigé par : Liberal | 01 mars 2007 à 18:29
Je n'avais pas lu cet appel, dont l'outrance me surprend beaucoup, venant de gens qui ne sont pas des "cuistres" pour beaucoup d'entre eux. Je n'avais pas réalisé jusqu'ici que Sarkozy etait a la fois "le candidat du pouvoir financier, du pouvoir personnel et du desordre mondial". Je ne me rendais pas compte non plus que les grands media faisaient tout, "dans cette campagne, pour demobiliser la gauche et destabiliser ses electeurs." Ce que c'est que l'eloignement ! Les choses les plus evidentes vous echappent betement....
Rédigé par : Bernard Salanié | 01 mars 2007 à 22:30
félicitations pour les belles réminiscences de latin, mais pas pour l'article, qui tourne plus au règlement de comptes politique...
à propos...
je vois dans challenge de nouvelles études sur l' impact ( l'absence d'impact) des 35 h sur l'emploi...
ce qu'écrit "challenges" est simpliste: les TPE/PME (non soumises aux 35h)ont créé plus d'emploi sur la période que les grandes entreprises soumises...il me semble que c'est toujours le cas, et voir si ce différentiel s'est accru...
avez vous regardé ces articles, dont un vient de Telos?
merci
Rédigé par : francis | 02 mars 2007 à 06:14
polémiquons donc en réponse...
il me semble que NS est bien "le candidat du pouvoir financier, du pouvoir personnel"
financier...le MEDEF et un certain nombre de grands chefs d'entreprise, patrons de banques ne cachent pas leur préférence
personnel...cf les méthodes pour prendre la mairie de neuilly à pasqua, la manière de placer ses hommes, ses pressions sur la presse (cf.genestar)...oui, certainement..une façade polie, lisse, mais un temperament à ne pas faire de cadeaux ...habitant le 92, dont il est toujours président, je pourrais en parler plus longuement, mais ici n'est pa le lieu...
Rédigé par : francis | 02 mars 2007 à 06:21
à liberal et Bernard: dois-je souligner que parmi les signataires de cet appel d'une objectivité scientifique irréprochable figure un certain Thomas Piketty?
Je commence à me demander si les blogs ne seraient pas un meilleur moyen que la presse écrite pour vulgariser l'économie...
Rédigé par : salaniephile | 02 mars 2007 à 11:49
A Bernard: voici une adresse de blog qui vous manque peut-être
http://www.bigbangblog.net/
pour prendre des nouvelles du pays...
Rédigé par : zami | 02 mars 2007 à 14:25
Le niveau des échanges sur cette note (pas la meilleure de ce blog, il faut le reconnaître même si Ramonet est de ces gens que l'on a souvent envie de gifler) sont plutôt affligeants. Passons vite à autre chose.
Rédigé par : Bernard Girard | 03 mars 2007 à 10:45
Son livre-interview sur Castro vient d'être traduit en français.
Le revue Médias avait consacré courant 2006 un dossier sur ce livre de Ramonet où il apparaissait qu'en fait d'interview celui-ci avait surtout pompé, à la faute près de ponctuation, de nombreux extraits de discours de Fidel Castro disponibles sur le net, via Google.
L'article n'est plus disponible en ligne mais j'ai retrouvé l'original en espagnol (doc.type word) sur le blog d'Arcadi Espada a l'origine de l'article parue dans cette revue française proche (ou même émanation) de Reporters Sans Frontières.
http://www.arcadi.espasa.com/php_built/archivo/ramonetti.doc
extrait
"La coincidencia me pareció muy representativa del modo de trabajar de dos compinches. Aun conociendo sus extraordinarias dotes era bastante inverosímil que Castro hubiese recitado de viva voz y espontáneamente el texto de Granma."
J'allais oublié le titre du livre de Ramonet est "Biographie à deux voix"
Bye
Olivier Stable
Rédigé par : Olivier Stable | 04 mars 2007 à 02:37
Merci, Olivier. Ceci illustre que la "corruption" n'est pas toujours que financiere, mais aussi ethique, vide les modus operandi de certains journalistes (sans parler des presidents de CA de grands journaux condamnes comme plagiaires, etc.)
Rédigé par : Bernard Salanie | 04 mars 2007 à 15:21
"elle est en tête de rang parmi les pays dont on souhaite qu'ils aient plus de poids dans les affaires mondiales."
Tout depend a qui l'on demande. Un coup d'oeil aux membres du conseil des droits de l'homme de l'onu montre que la question de l'audience n'est pas neutre.....
Sur les grandes menaces, la france est bien contente de n'avoir rien a faire, tant elles depassent ses moyens ! corée du sud, taiwan, iran, iraq, protection europeenne, protection japonaise, il existe peu de dossier dans laquelle la france soit en mesure d'assumer des responsabilités quelconques.
Finalement, l'attitude de la france est assez confortable ...
Rédigé par : nicolas rolland | 06 mars 2007 à 14:20
Remarquons une chose :
La corruption, ça ne tue pas grand monde en soi. D'ailleurs, en France du moins, la délinquance en col blanc est quasiment la seule pour laquelle il ne soit pas possible de prélever l'ADN d'un suspect, ceci indiquant à quel point cette forme de criminalité est peu dangereuse.
Par contre, le recours à la torture de captifs à des fins de sécurité intérieure est juste un crime qui vaudrait à n'importe quelle nation ne disposant pas d'une demi-douzaine de Task Forces un passage au tribunal pénal de la Haye.
On a sans doute raison de dire que les français sont des coqs qui chant les pieds dans la merde. Mais eux, au moins, n'ont pas à chanter les pieds baignant dans le sang.
Et puisque rien n'efface dans la mémoire des survivants les crimes de sang, je suppose qu'un jour viendra où les victimes de la gloutonnerie américaine présenteront l'addition. Et après, le déluge.
Mais les corrupteurs, qui s'en souviendra ? qui s'en préoccuppe vraiment ? quel tort créent-ils, réellement ? Vaut-il mieux être un bourreau intègre ou un bon à rien corrompu ?
Rédigé par : Passant | 08 mars 2007 à 12:47
Ignacio Ramonet est ce que l'on peut appeller un imposteur intellectuel. Sa fameuse tyrannie de la communication est une succession mal ficelée de critiques naïves sur les médias et le monde de la communication. A oublier de toute urgence !
Rédigé par : Lionel | 11 mars 2007 à 09:49