J'ai déploré à plusieurs reprises sur ce blog la relative pauvreté des moyens (notamment humains) dont disposent les autorités chargées de la concurrence et de la régulation en France et plus généralement en Europe. Elles disposent de très bons économistes, juristes et experts spécialisés, mais en nombre bien réduit, notamment parce que le niveau des salaires versés rend difficile d'attirer beaucoup de high-flyers. La comparaison avec les Etats-Unis n'est pas à l'avantage des Européens sur ce point.
Ceci dit, les économistes du Département de la Justice , de la FCC et autre FTC ont maille à partir ici avec des poids lourds, comme
un article du Wall Street Journal sur David Teece nous le rappelle aujourd'hui. Teece est professeur à Berkeley, spécialiste renommé d'économie industrielle "et d'une douzaine d'autres sous-domaines", comme il l'annonce modestement---il se décrit comme numéro 10 au monde, il faut savoir se vendre dans son nouveau métier de consultant... qui consiste à témoigner dans de nombreux procès antitrust. Il s'appuie pour cela sur LECG, la boîte de conseil antitrust qu'il a fondée, et qui est devenue un beau bébé. Elle n'est pas la seule d'ailleurs sur ce marché, voir le tableau (merci le WSJ).
Ce métier commence à se répandre en Europe ; malheureusement, la situation y est déséquilibrée par le manque de culture économique de base des juges, en France notamment. Appel aux gestionnaires de la magistrature : il va falloir revoir les programmes de l'ENM...
Par pitié ne mêlons pas l'ENM aux affaires économiques !
Cela fait 50 ans que l'on essaie de lutter contre la tentation interventionniste des états européens, notamment, en confiant l'essentiel de la régulation des marchés à l'échelon supra-national.
S'il faut absolument créer de bels et beaux emplois publics pour les économistes français, fermons le conseil économique et social, le conseil d'analyse de la société, la cour des comptes et le sénat et qu'on y mette des professionnels.
Rédigé par : Passant | 20 mars 2007 à 00:30
Mais les magistrats sont deja meles aux affaires economiques... la cour d'appel de Paris juge en seconde instance des arrets du Conseil de la Concurrence, les tribunaux debattent de la fine distinction entre les licenciements econonomiques justifies ou non par l'etat de l'entreprise, etc. Je ne demande pas qu'on accroisse leurs competences legales, juste qu'ils acquierent des competences reelles---et non, ce n'est pas un clin d'oeil a Maurras.
Rédigé par : Bernard Salanie | 20 mars 2007 à 22:03
De fait, les magistrats sont amenés à intervenir à de nombreux égards dans la vie économique et, en son principe, c'est heureux dès lors que le droit est (censé être) la plus légitime des violences (je concède sans difficulté que, de la théorie à la pratique, les sources de polémiques sont légion mais soit...).
Suffit de songer, tout petit bout de la lorgnette, au contentieux des entreprises en difficulté : faillites et concordats, saisies, responsabilité personnelle des dirigeants d'entreprise...
Etes-vous en train de dire qu'ils jugent comme des manches ? A quel(s) cas pensez-vous donc ?
Rédigé par : lo | 23 mars 2007 à 15:16
A lo : le problème c'est que les juges n'ont aucune expertise pour (ré)examiner les affaires économiques... Autant demander à un plombier de préparer une baguette !
Rédigé par : Lionel | 30 mars 2007 à 10:00
Il me semble qu'il ne faut pas être le plus expert en sciences économiques pour apprécier des concepts tels que la cessation de paiement et l'ébranlement du crédit (en matière de faillites), des éléments établissant la réalité d'ententes ou d'abus de position dominante (soit certains aspects du droit de la concurrence), d'autres circonstances telles que les confusions de patrimoine ou l'abus de personnes morales (pour la responsabilité personnelle des dirigeants)...Toutes des règles qui encadrent pourtant la vie économique...
Bref, j'attends toujours qu'on me dise pour quels type de cas dans lesquels ils sont chargés d'intervenir, les juges sont a priori suspects d'incompétence radicale pour insuffisance de connaissances économiques.
Par ailleurs,il ne faut pas perdre de vue l'existence de ce moyen à la disposition des parties et des juges qu'est la demande d'expertise...
Rédigé par : lo | 03 avril 2007 à 17:00