L'expérience m'a abondamment montré que deux sujets étaient best left alone sur ce blog : les comparaisons France (ou Europe)-Amérique, et les brevets logiciels. Puisque mon dernier billet a été interprété selon le premier angle, je reviens donc sur le second... :-) avec un intéressant article de Bromwyn Hall (Berkeley) et Megan MacGarvie (Boston University), NBER 12195 pour leurs fans.
Il est certainement très difficile de juger de l'apport des brevets logiciel au "bien-être social", comme disent les économistes---ou même de son signe. Mais il est après tout une catégorie d'agents économiques pour qui il est très important de parvenir à évaluer l'impact de ces brevets sur la profitabilité des différentes entreprises : les investisseurs. Supposons qu'après une décision judiciaire importante en ce domaine, le cours de bourse de l'action de Schmoll Inc, stable jusqu'alors, augmente de 5% et se maintienne à ce nouveau cours ; alors on pourra dire que les investisseurs évaluent à +5% l'effet de cette décision sur les profits (espérés, actualisés) de Schmoll. (Cela ne signifie pas qu'ils ne se trompent pas du tout au tout ; mais après tout, les erreurs d'évaluation peuvent leur coûter cher et ils ont donc tout intérêt à bien peser leurs décisions).
Dans la pratique, c'est bien sûr plus compliqué ; les cours de Schmoll fluctuaient avant la décision, ils fluctueront encore après elle, et il faut donc tenter de séparer le signal et le bruit. Hall et MacGarvie le font aussi soigneusement que possible, en utilisant notamment le fait que les décisions importantes en ce domaine se sont accumulées en 1994-95. On le voit sur la figure suivante : même si la définition de ce qu'est un brevet logiciel est très variable selon les auteurs, le nombre des brevets logiciel a explosé immédiatement après.

Hall et MacGarvie observent que le cours de bourse des entreprises qui détenaient des brevets logiciel a nettement augmenté à l'époque, avec un impact de l'ordre de 5% (pour aller vite). 5% des profits, cela peut paraître peu, mais pour une entreprise comme Microsoft , c'est plusieurs milliards de dollars---d'où le titre de ce billet. Cela dit, HMG concluent aussi que les entreprises qui détiennent le plus de brevets logiciel aujourd'hui (dix ans après) ne sont pas des entreprises de software, mais plutôt de hardware : les brevets seraient plus déposés de manière défensive que de manière offensive. Maybe...
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L'image ne passe pas, le lien n'est pas bon car il pointe sur un fichier local :
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Sinon, le point de vue des investisseurs peut être aussi que le système des brevets appliqué au logiciel va favoriser les grandes entreprises qui verront leur concurrence potentielle baisser et donc leur profits monter. Je n'ai pas l'impression que l'article fait la différence small cap / big cap qui est peut-etre plus différentiateur que hardware / software (et les firmes hardware sont peut-etre plus big cap que les sofware).
Le papier est dispo ici :
http://people.bu.edu/mmacgarv/w12195.pdf
Rédigé par : Laurent GUERBY | 26 juillet 2006 à 15:32
Merci, Laurent, l'image est en place maintenant. Est-ce que les brevets, en général, profitent plus aux grandes entreprises ? Plutôt à celles qui en produisent plus qu'elles n'en utilisent. L'article ne s'intéresse qu'aux années proches de la rupture légale de 1994-95 ; dans cette période, HMG montrent bien que c'est ce critère qui a joué. Ce qui s'est passé dans les années plus récentes est une autre question, plus complexe puisque les acteurs n´étaient plus "surpris".
Rédigé par : Bernard Salanié | 27 juillet 2006 à 06:09
In fine, que dit cette étude : Que les entreprises qui déposent ces brevets sont favorisées quand la protection apportée par ces brevets est étendue.
Cela paraît quand même assez intuitif.
Mais le débat qui agite partisans et opposants aux brevets sur les logiciels porte sur l’intérêt global de tous les acteurs : Ce qui découvrent, ce qui utilisent, et ceux qui utilisent pour découvrir.
Par certain coté, cette étude apporte plutôt un élément contre l’extension des droits des brevets. 5% de valorisation supplémentaire, c’est bien peu.
Rédigé par : Henri Icard | 27 juillet 2006 à 09:54
Sur le meme sujet, mais en abordant le point de vue des start-ups, un article interessant de Paul Graham: http://www.paulgraham.com/softwarepatents.html
Rédigé par : ontheotherside | 28 juillet 2006 à 23:04
Qu'est-ce qu'un "brevet logiciel" ? Michel Rocard[*] a, à plusieurs reprises, souligné à quel point il semblait difficile, d'un côté ou de l'autre de l'atlantique, de parvenir à une définition consensuelle de ce terme.
[*] Je choisis cet exemple parmi tant d'autres en le considérant comme étant une personnalité réputée consensuelle, prudente et constructive. Trouver d'autres exemples ne serait pas bien difficile.
Rédigé par : Mulot | 14 août 2006 à 09:18