De nombreux secteurs de l'activité économique ont, au moins sur certains de leurs segments, un caractère de monopole naturel : les rendements d'échelle y sont si importants que sur un plan purement technologique, il est préférable de confier leur exploitation à une entreprise en situation de monopole. L'inconvénient est bien sûr qu'une telle entreprise aura tendance à se conduire comme le font tous les monopoles : en augmentant les prix, en réduisant sa production et (de manière peut-être encore plus importante) en étouffant l'innovation. C'est la raison pour laquelle de telles entreprises sont toujours régulées d'une manière plus ou moins efficace.
France Télécom, par exemple, détient encore (pour combien de temps encore ?) un quasi-monopole sur la "boucle locale", c'est-à-dire la ligne qui va de chez vous au plus proche répartiteur---l'ARCEP, qui régule la téléphonie entre autres, a une page très claire là-dessus. Même si vous ne voulez plus avoir affaire à FT et vous vous lancez dans le "dégroupage total", votre opérateur devra louer l'utilisation de la boucle locale à FT. L'ARCEP fixe des normes de prix ("charges d'accès") pour éviter que FT n'abuse de sa situation de monopole.
Dans ce type de situation, on dit de la boucle locale qu'elle est une "facilité essentielle" (désolé pour l'anglicisme) : en attendant la prochaine innovation technologique majeure, tout acteur du système doit passer par là. L'analyse économique de la propriété intellectuelle (copyright, brevets...) intègre de plus en plus ce genre de considération. Traditionnellement, il y a plusieurs manières d'attraper les souris ; build a better mousetrap, and the world will beat a path to your door, dit le proverbe, mais rien n'interdit à personne de tenter sa chance avec une autre technologie anti-rongeurs. En fait, ce n'est pas vrai dans deux secteurs parmi les plus lourds en contentieux : les logiciels et les gènes.
J'ai déjà parlé des logiciels ici, un peu avant le rejet des ignominieux projets de la Commission et du Conseil. Si je parviens à breveter l'idée de la programmation objet, par exemple (que j'ai eue en apprenant à lire en 1967, bien avant tout le monde), je deviendrai riche, mais je placerai un obstacle majeur à l'innovation : de C++ à Java à C#, cette idée est devenue une facilité essentielle. Un article récent de Claude Henry pour le Centre Cournot explique clairement comment cette notion joue un rôle fondamental dans le domaine des thérapies géniques (on y arrive !).
Prenons l'exemple de la protéine CCR5. En 1995, l'entreprise américaine Human Genome Sciences a demandé (et obtenu) un brevet sur un gène codant pour cette protéine. HGS n'avait qu'une vague idée des utilisations possibles, dans le domaine des inflammations peut-être. Peu de temps après, des chercheurs de l'Université Libre de Bruxelles ont découvert que CCR5 aidait le virus HIV à rentrer dans les cellules, ce qui a ouvert la voie à des médicaments nouveaux. Mais HGS possède les droits sur toutes les applications qui font usage de toutes les fonctions de tous les gènes qui codent CCR5---pas seulement sur les éventuelles applications anti-inflammations (inexistentes jusqu'ici) du seul gène qu'HGS avait découvert. Imaginons les progrès de la médecine si Harvey avait obtenu un brevet sur toutes les applications de l'idée que le coeur est au centre de la circulation sanguine...
Il y a de nombreux exemples de ce type ; et avec l'accord TRIPS de l'OMC, ce problème risque d'avoir des conséquences dramatiques pour la diffusion des nouveaux médicaments dans le Tiers Monde---malgré des "clauses de sauvegarde" dont il est difficile aujourd'hui d''evaluer la portée. L'état lamentable du processus de brevetage aux Etats-Unis en est en partie responsable ; mais les lecons sont plus larges. Comment peut-on faire pour inciter à l'innovation dans ce secteur de manière plus satisfaisante ? Claude Henry discute plusieurs idées. La plus directement applicable à mon sens consiste à appliquer le jiu-jitsu, comme les économistes adorent le faire : si les incitations ne fonctionnent pas bien, rajoutons des incitations nouvelles. C'est l'idée sous-jacente aux"procédures d'opposition" en Europe : quand l'entreprise A dépose un brevet, ses concurrentes ont un an pour faire la preuve que c'est une mauvaise idée, parce que le brevet est trop large (comme dans le cas d'HGS) ou parce qu'il y a un "prior art" (comme dans le cas de nombreuses pseudo-innovations dans le domaine du logiciel). Si ceci vous intéresse, le rapport de Claude Henry et Jean Tirole pour le Conseil d'Analyse Economique (numéro 41) est on ne peut plus recommandé.
PS, à l'attention des dirigeants du Centre Cournot : par pitié, moins de musique et des contenus plus accessibles...
>> "quand l'entreprise A dépose un brevet, ses concurrentes ont un an pour faire la preuve que c'est une mauvaise idée"
Donc il faut une veille permanente des services juridiques pour contrer un brevet abusif d'un concurrent. La conséquence c'est que 90% des entreprises mondiales et TOUS les particuliers se feront avoir par les grosses multinationales qui peuvent, elles, se payer ces services juridiques pléthoriques. Voulez-vous d'un monde dans lequel seuls Microsoft ou IBM ou Monsanto peuvent breveter ?
On veut encourager, par le processus des brevets, l'innovation et le progrès des sciences et on se retrouve à payer des bataillons d'avocats...puis des régiments...puis des armées entières.
La _seule_ solution c'est la réforme radicale des organismes gérant les dépots de brevets. C'est à eux de faire les recherche de prior art, de réduire les prétentions abusives des déposeurs et d'oeuvrer dans le sens de l'interêt général.
Rédigé par : egan | 30 avril 2006 à 04:35
Je mitoute.
Imaginons que, en 1989, Tim Berners-Lee dépose un brevet sur son idée de rassembler l'utilisation d'hypertexte avec TCP (et DNS) pour faire naitre le Web.
A l'époque, ni Microsoft, ni aucun grand acteur de l'informatique n'envisage de grandes choses sur Internet.
Ce brevet aurait-il été contesté juridiquement ? Probablement pas.
Les technos web auraient-elles été utilisées au NCSA ? Pas sur.
Avec la présence de ce brevet, Marc Andreessen aurait-il créé Netscape ? Probablement pas.
Microsoft aurait-il emboité le pas et popularisé les navigateurs webs ? Probablement pas.
Le blog sur lequel je suis en train de poster un commentaires existerait-il aujourd'hui ? Certainement pas.
Alors continuez... Apportez par de tels billets une caution à la possibilité de breveter de simples idées et vous aurez l'innovation que vous méritez...
Rédigé par : Oaz | 30 avril 2006 à 06:44
La situation est bien pire dans le logiciel (et le commerce en ligne, voir les déboires d'ebay à son propre jeux) que dans la génétique :
- les besoins en capital sont bien moindres dans le logiciel, donc le cout de la veille et de la défense juridique y sont donc proportionnellement bien plus élevé (et donc un frein plus considérable à l'"innovation").
- il faut manier beaucoups plus d'idées (donc de brevets) dans le logiciel pour produire quelque chose d'utile que dans la génétique, et dans les logiciels il est moins évident de trouver quels brevets s'appliquent.
J'avais lu le rapport 41 du CAE, mais il est a peu près dénué de toute donnée quantitative (une belle oeuvre litéraire cependant :), et alors que le problème des effets dans les deux sens du brevet sur l'incitation à l'innovation est bien identifié (pages 53 a 57), le reste du rapport semble oublier qu'on peut sans doute faire sans cette intervention gouvernementale majeure dans l'économie (au moins dans pas mal de secteurs) et au final se prononce mollement pour plus de brevets partout avec encore plus de fonctionnaires et avocats à tous les étages ...
Aux débats de Bruxelles sur la directive brevet logiciel, je me souviens encore des discours des PME sur les bienfaits de la concurrence (et du droit d'auteur simple).
Pourquoi ces économistes oublient si rapidement les fondements des marchés libres et les bienfaits de la concurrence pour le progrès ? Est-ce parce-que leurs études et écoles sont financées par les grandes entreprises plutot que par des PME ? Cela reste un grand mystère pour moi, peut-être vos collègues ont une idée :).
Rédigé par : Laurent GUERBY | 30 avril 2006 à 10:04
"Alors continuez... Apportez par de tels billets une caution à la possibilité de breveter de simples idées et vous aurez l'innovation que vous méritez..."
Je ne comprends pas le sens de cette remarque, qui me semble profondément injuste à l'égard du message que Bernard Salanié fait passer en matière de propriété intellectuelle (et pas seulement sur ce billet).
Alors, continuez... Si vos commentaires continuent sur cette voie, vous serez rapidement repéré comme un individu aux idées sans intérêt. C'est déjà mon point de vue.
Rédigé par : Econoclaste-SM | 30 avril 2006 à 15:09
"Je ne comprends pas le sens de cette remarque, qui me semble profondément injuste"
Comment peut-on trouver injuste quelque chose dont on ne comprend pas le sens ?
J'avoue que j'ai un peu vite sauté les étapes de mon raisonnement. Ce que j'avais en fait en tête, c'est l'évolution des propos de Mr Salanié au fil des divers billets sur les brevets (n'étant pas un lecteur de ce blog à l'époque, j'ai découvert simultanément les précédents billets sur les brevets logiciels) et j'ai retranscrit cette impression de manière un peu malheureuse.
Je fais amende honorable sur la forme, mais cela ne change rien sur le fond : je ne comprends pas comment on peut passer d'un 'non' franc (sur le billet de juin 2005) à une position plutôt tiède 'oui en rajoutant quelques incitations pour se prémunir des dérives'.
Rédigé par : Oaz | 30 avril 2006 à 16:45
"Comment peut-on trouver injuste quelque chose dont on ne comprend pas le sens ?"
Bien essayé, mais le fait que je précise "me semble" met à plat votre petite tentative...
"L'adjudant de service", comme vous me baptisez ailleurs, vous salue définitivement...
Rédigé par : Econoclaste-SM | 30 avril 2006 à 21:41
La chose la plus difficile à comprendre, en ce qui concerne les brevets, c'est l'effet que l'on cherche à produire en modifiant les règles déjà anciennes qui les régissent et qui ne semblaient pas avoir créé de problèmes si insurmontables.
Disposer de systèmes de brevets nationaux ou éventuellement inter-nationaux ou continentaux a un immense avantage : il permet de se faire une idée de l'effet exact produit par un jeu de règles donné. Après tout, ne sait-on pas depuis fort longtemps qu'une institution sensée éviter certains abus est souvent dotée d'une force insuffisante pour agir de sorte à effectivement les prévenir tout en, par sa seule existence, déresponsabilisant chaque acteur de l'entretien du système ?
Pourquoi donc ne pas attendre de voir ce que produit l'évolution en cours outre-atlantique du système des brevets avant de vouloir absolument toucher aux accords internationaux bornant les systèmes européens ? Je n'ai jamais caché que mon intuition était que les USA allaient droit dans le mur, avec ou sans réforme : mais que m'importe, étant européen ?
Et puisque j'imagine qu'on peut tenir un raisonnement symétrique outre-atlantique, j'en déduis qu'un consensus consistant à proposer un jeu de règles X d'un côté d'une quelconque frontière naturelle et un jeu de règles Y de l'autre côté *est* le moyen de déterminer par l'expérience quel est le meilleur jeu de règles.
Rédigé par : Flaff | 01 mai 2006 à 12:59
Bravo et merci B.S. pour ce billet pédagogique limpide. L'attaque de Oaz renvoie sans doute au fait que votre "Il est préférable" du 1er § est peu explicite (préférable pour qui ? et qui en juge ?).
Le commentaire de Flaff me semble étonnant quand la détention des droits sur un seul territoire (les UUSA en l'occurrence) est, pour certains développements, la condition sine qua non de leur rentabilité.
Rédigé par : FrédéricLN | 02 mai 2006 à 00:47
"Le commentaire de Flaff me semble étonnant quand la détention des droits sur un seul territoire (les UUSA en l'occurrence) est, pour certains développements, la condition sine qua non de leur rentabilité."
Je crois qu'on peut en première approximation, et notamment, en ce qui concerne l'économie de l'industrie (les brevets s'adaptant notoirement assez mal aux services, malgré les récentes tentatives d'innovation de l'U.E. dans le secteur), tout investisseur est libre d'investir dans le pays de son choix, et donc, dans l'environnement juridique de son choix, ou même, de choisir un environnement juridique et fiscal pour son siège social, un autre comme site de production, un troisième commme site de recherche et un quatrième comme marché.
Donc, la mise en concurrence des systèmes juridiques et fiscaux, qui a été l'acteur essentiel du developpement effectif mondial en dehors de la zone Europe-USA, pourrait devenir le moyen par lequel se révèlera quel système de propriété intellectuelle est adapté pour promouvoir... ce qu'on voudra bien promouvoir quel que soit ce qu'on veut promouvoir, d'ailleurs.
Rédigé par : Flaff | 02 mai 2006 à 01:10
'L'attaque de Oaz renvoie sans doute au fait que votre "Il est préférable" du 1er § est peu explicite'
Pas vraiment en fait. L'exaspération (je préfère ce terme) de Oaz vient du dernier paragraphe.
Pour faire simple, je dirais que chercher des réformes en douceur au système de brevets actuellement en place, c'est, certes, mettre en avant une nécessité d'évolution mais, simultanément, cautionner le principe de ce système. Et c'est cela qui m'exaspère. Rien de plus, rien de moins. Je comprends que l'on ne puisse pas être d'accord avec mon point de vue mais je pense que mon exaspération est légitime.
En ce qui concerne les logiciels (je ne connais pas les autres domaines donc je n'en parle pas), le droit d'auteur existe et fournit de très larges possibilités de protection. Qu'apporte un système supplémentaire de brevet ? Rien.
L'intérêt d'un brevet serait de garantir une absence de concurrence (pendant un temps limité) sur un logiciel remplissant un certain type de fonctionnalité à quelqu'un qui, en échange, divulguerait des mécanismes internes de fabrication de ce logiciel. Or cela suppose que la divulgation de ces éléments apporte un bénéfice à l'ensemble de l'industrie logicielle, notamment sous la forme d'une avancée technique pour les sociétés concurrentes. A ma connaissance, dans le domaine du logiciel, les brevets ne remplissent pas ce rôle, d'où leur inutilité. C'est ce que j'ai décrit de manière plus détaillée ici : http://barrejadis.azeau.com/?itemid=22
Maintenant si quelqu'un a des exemples de brevets logiciel ayant eu des rôles positifs au dela du repas gratuit pour les dépositaires, un vrai rôle positif pour l'ensemble du secteur, qu'il donne ces exemples. Cela me semble être le prérequis minimal pour cautionner l'existence du système.
Rédigé par : Oaz | 02 mai 2006 à 06:23
"PS, à l'attention des dirigeants du Centre Cournot : par pitié, moins de musique et des contenus plus accessibles..."
Une belle occasion de faire un peu de publicité pour cet excellent site fournissant librement de la musique composée et interprétée par de réels artistes, lesquels, à l'évidence, ne considèrent pas la perception préalable à l'adoption de redevances comme allant dans le sens de leur intérêt d'innovateur :
http://www.jamendo.com
Rédigé par : Spam de trackback | 02 mai 2006 à 07:24
Pour nourrir le débat, voici un excellent article dans IP Law & Business sur une (pas si) nouvelle pratique : le patent trolling. http://www.ipww.com/display.php/file=/texts/0506/venture
En gros pour résumer, un ancien exec de Microsoft a fondé une startup : Intellectual Ventures (IV) avec 400m$ de funding apportés par les plus gros acteurs mondiaux de l'IT (MS, Nokia, Intel, Sony...) Cet argent est utilisé pour acheter des brevets mais IV n'a pas l'intention d'en faire des produits. Le business model repose officiellement sur la vente de licenses des technologies achetées.
Le problème est que (i) on décerne des brevets avec des champs d'application beaucoup trop larges, (ii) la plupart des inventions sont le fruit de recherches dans plusieurs domaines. Tôt ou tard, quiconque voudra sortir un produit innovant se retrouvera d'une façon ou d'une autre dans le champs de mines des brevets d'IV. D'où la crainte que IV ne devienne (si elle ne l'est pas déjà) une entreprise d'extorsion légalisée.
Rédigé par : Liberal | 02 mai 2006 à 09:06
* eqan :
* oaz, laurent : sur un blog, si on parle de brevets, on se fait toujours incendier sur les brevets logiciel (dans un sens ou dans l'autre). Avez-vous lu le titre de mon billet ? Je prefererais parler de genes...
* flaff : le systeme de brevets est et a toujours ete un compromis entre couts (creation d'un monopole ex post) et benefices (incitation a l'innovation). Rien ne dit que le progres technologique, ou la mondialisation qui ouvre de nouveaux marches aux innovateurs, ne deplacent pas les termes du compromis optimal.
* liberal : le patent trolling a aussi menace les proprietaires de Blackberry ici, drame atroce...finalement regle a prix fort :
http://news.com.com/BlackBerry+saved/2100-1047_3-6045880.html
Rédigé par : Bernard Salanie | 02 mai 2006 à 10:10
"* flaff : le systeme de brevets est et a toujours ete un compromis entre couts (creation d'un monopole ex post) et benefices (incitation a l'innovation). Rien ne dit que le progres technologique, ou la mondialisation qui ouvre de nouveaux marches aux innovateurs, ne deplacent pas les termes du compromis optimal."
Vous avez probablement raison : mais alors, quel intérêt peut avoir une réflexion dans l'absolu se limitant au seul paramétrage d'un système conçu dans un autre contexte, surtout s'il faut, pour le bien-être de la réflexion, imposer une règle aux conséquences invérifiables à l'ensemble des marchés imaginables ? Pourquoi ne pass chercher si un autre modèle permettrait de s'affranchir des caractéristiques cinétiques (progrès technologique en polynome du carré du nombre de personnes en relation mais modifiant ledit nombre de personnes en relation) si ennuyeuses d'un phénomène (l'innovation) qui fait l'objet d'une théorie économie particulière (l'économie de l'innovation).
Rédigé par : Flaff | 02 mai 2006 à 12:33
Bernard, liberal, les brevets blackberry quand yen a plus, yen a encore, RIM se prends un nouveau procès avec Microsoft dans la liste des accusés du patent troll :
http://www.cbc.ca/story/business/national/2006/05/01/visto-rim060501.html
http://www.theregister.co.uk/2006/02/01/visto_sues_good/
Pour ce qui est des gènes, voir le proces de l'institut pasteur en invalidation, des années, des millions, et le brevet même pas complètement supprimé.
Ma trackback fournit aussi les références d'un ouvrage de deux économistes sur le sujet dont le chapitre 9 s'intitule "The Pharmaceutical Industry", il ne parle pas de gène mais du mécanisme général (et plus que centenaire) de l'analyse économique et sociale des brevets sur les produits vs les processus qui est celui décrit dans ce billet.
En particulier ce chapitre égrène la très longue liste d'exprérience naturelles qui montrent ou un effet nul ou un effet négatif à très négatif (jusqu'a destruction de l'industrie dans une zone géographique) des brevets dans pas mal de secteurs.
Voir aussi la conférence du Cato Institute sur le sujet.
Rédigé par : Laurent GUERBY | 02 mai 2006 à 15:57
Petite précision pour les prochaines fois où vous aborderez le sujet: "parce qu'il y a un "prior art""
En francais, il y a un nom pour "prior art", c'est: état de la technique. Avantage d'utiliser le vocabulaire francais: c'est plus clair pour les francophones qu'il y a TOUJOURS un état de la technique, plus ou moins proche de l'invention presentée dans la demande de brevet. Ce qu'il n'y a pas toujours, c'est un état de la technique connu ANTICIPANT l'invention. Si c'est le cas, le brevet est contestable, sinon il est justifié.
Sinon, effectivement, les Etats unis sont allés trop loin dans la destruction de leur système de brevet et en particulier de l'office des brevets (administration=parasite) , et dans la légalisation et formalisation de la procédure au détriment de la substance. J'ai toujours penser que scientifiques et ingénieurs sont plus utiles à l'économie que le avocats (et que les économistes?) . Espérons que l'Europe s'arrête pour réfléchir avant de les imiter.
Rédigé par : < | 03 mai 2006 à 11:01
"J'ai toujours penser (sic) que scientifiques et ingénieurs sont plus utiles à l'économie que le (sic) avocats (et que les économistes?)"
Tel l'enfant qui regarde son nombril, <= se complait dans son petit monde ou les activites les plus visibles dominent l'encadrement des dites activites. Cette pensee est malheureusement partagee (et parfois etendue a l'ensemble des sciences humaines) par des politiques francais qui ne comprennent rien a l'economie. Paradoxalement l'exemple meme de la recherche *scientifique* devrait suffir a convaincre quiconque de l'importance de l'economie!
Pourquoi la recherche francaise est-elle en crise, malgre une tradition d'excellence scientifique? De nombreuses facettes de la question sont de nature economique! Alors arretons de comparer des domaines qui sont complementaires et de nature differente.
Rédigé par : Gus | 04 mai 2006 à 10:08
Facettes économiques, certes.
Les avocats/juristes y voient un moyen de gagner de l'argent, et pourquoi pas, c'est dans leur nature (oui, je sais c'est facile et gratuit. mais trouvez moi un avocat d'affaire qui le soit devenu par vocation désinteressée).
Mais êtes vous sur que les économistes comprennent quelque chose au système des brevets?
Le système américain a été miné par plusieurs décisions des tribunaux qui ont relâché les critères de délivrance des brevets, et achevé par l'influence des économistes qui ont poussé le Congrès à systèmatiquement limiter les moyens de l'Office, rendant impossible de s'opposer aux tactiques diverses et variées des juristes/avocats/MBA pour exploiter les failles du système. Comparez un bbrevet déposé il y a 20 ans et aujourd'hui aux Etats-unis, et dites moi si vous pensez que le public est mieux servi par la rédaction du probable spécialiste d'antan ou par celle du juriste actuel. (pour les amateur, http://www.uspto.gov/main/sitesearch.htm chercher 2 brevets, vers 1980 et 2005 dans un domaine quelconque et comparer).
Un système régulé par le marché devait forcément mieux fonctionner qu'un régulé par une administration d'ingénieurs, dixit les économistes en vogue qui avaien l'oreille des politiques.
Les abus du sytème par les lobbys et oligopoles les plus divers, les couts exponentiels pour payer les frais de justice en cas de litige sur des brevets douteux, les brevets à motivation technique nulle mais comptable élevée pour jouer avec les licences et la fiscalité: détails...
Alors oui, je fais confiance aux économistes pour contribuer plus que les ingénieurs.
Pour expliquer, 10 ans après la prochaine réforme qui j'espère ne tardera pas trop et sera en mieux, pourquoi la précédente réforme "ca aurait marché si on aurait ...."- insérer votre condition théorique préférée.
Et je maintiens: j'attends qu'on me prouve qu'ajouter un avocat à la société contribue plus à l'économie (et positivement) qu'ajouter un ingénieur . L'état de droit n'est pas une création des avocats, mais de la société politique. L'inflation d'avocats n'est pas une amélioration de l'état de droit.
PS: désolé pour les fautes d'orthographe, c'est simplement que je regarde trop mon nombril et pas assez l'écran.
Rédigé par : < | 05 mai 2006 à 11:16
@ < :
Vous avez raison de vous inquiéter de la proportion relative des avocats et des ingénieurs dans un pays :
http://ideas.repec.org/a/tpr/qjecon/v106y1991i2p503-30.html
"In most countries, rent seeking rewards talent more than entrepreneurship does, leading to stagnation. Our evidence shows that countries with a higher proportion of engineering college majors grows faster; whereas countries with a higher proportion of law concentrators grows more slowly."
Concernant les économistes, je n'ai pas connaissance de corrélations dans ce style; mais comme contrairement aux avocats, ils n'ont pas beaucoup d'argent à gagner à exercer dans le monde réel (sauf pour ceux qui sont la risée de la profession, qui vont faire de la prévision dans les banques d'affaires, mais qui ne sont guère nuisibles), et qu'ils restent pour l'essentiel dans les universités, je pense que leur proportion dans un pays a le même effet que celle des chercheurs de façon générale.
Rédigé par : econoclaste-alexandre | 06 mai 2006 à 05:01
Toujours intéressant de savoir que seuls les membres d'une communauté dite "scientifique" qui mettent leurs modèles à l'épreuve de la réalité à priori sont considérés comme ridicules, pourtant moi j'aime bien les analystes financiers :)
http://guerby.org/blog/index.php/2006/02/19/9-chomage-et-econometrie#c39
Dommage que le papier ne soit pas disponible gratuitement, mais apres tout si la richesse vient des gains de productivité et que ces gains viennent essentiellement des avancées techniques, il se peut que cela se voit à travers des statistiques crues comme le nombre d'ingénieur en activité.
Pour le rent seeking et la corruption, Dean Baker a fait un billet sur le sujet il ya quelques jours :
http://beatthepress.blogspot.com/2006/05/corruption-in-pharmaceutical-industry.html
Rédigé par : Laurent GUERBY | 08 mai 2006 à 17:03