Décidément, ce gouvernement a trouvé une forte réponse aux problèmes de l'heure. Après le prix des caddie-type, voici l'indice de référence des loyers (IRL). Depuis fort longtemps, les loyers du secteur privé ne pouvaient pas augmenter plus vite que l'indice du coût de la construction (ICC). L'ICC mesure (autant qu'il est possible) l'évolution du coût de la construction de logements neufs (à qualité égale). Mais il a un défaut majeur : il a augmenté "trop" rapidement depuis quelques années. La notion de "trop" dépend bien sûr du point de vue. Ici, c'est clairement celui du locataire, comme le dit M. Borloo. Mais ce qui est plus intéressant, c'est l'intention annoncée : il faut trouver un indice "plus réaliste".
Supposons un moment que ce qualificatif ait un sens, ailleurs qu'en termes d'équilibre politique. Quel peut il bien être ? Et d'ailleurs, pourquoi faut-il limiter les augmentations de loyers ? La réponse est évidente : une fois dans les lieux, le locataire doit être protégé contre les pressions du propriétaire. Cet argument est contestable. Faisons abstraction du cadre légal existant. Le contrat (bail, en l'occurrence) signé par les deux parties pourrait parfaitement stipuler une indexation du loyer sur n'importe quel indice publié par une institution respectable. Ce serait une sorte de contrat complet, comme disent les théoriciens : tout changement de l'environnement (par exemple des salaires, ou du prix du fioul) déclencherait, à l'échéance annuelle ou même plus souvent, une modification automatique du loyer. Un tel contrat, prévoirait aussi en grand détail les indemnités en cas de rupture du contrat (reprise de l'appartement, départ du locataire, retards de paiement...).
Nous n'observons pas ce genre de contrat en pratique dans les relations entre particuliers, tout simplement parce qu'il serait trop difficile de prendre en compte toutes les évolutions possibles de l'environnement. Si la loi n'encadrait pas les modalités d'augmentation des loyers, alors les baux ne fixeraient peut-être les loyers que pour un an, laissant l'augmentation à une négociation annuelle. Celle-ci créerait le risque de ce que nous appelons un hold up : comme (même dans un marché très liquide) il est coûteux pour le locataire de prendre ses cliques et ses claques pour s'installer ailleurs, il doit être protégé. CQFD. Ou non ? Pourquoi les deux parties ne pourraient-elles pas fixer par avance des limites au résultat de la négociation, en disant que le loyer ne peut pas augmenter plus vite qu'un indice choisi d'un commun accord ? On me dira qu'il est plus simple de laisser la loi le faire à leur place. Mais la loi ne s'adapte pas aussi facilement que le contrat aux cas individuels, par exemple aux augmentations de salaires prévisibles (plus fortes pour les cadres débutants que pour les ouvriers vieillissants). Tout ceci reste un peu mystérieux---bien qu'on puisse comme toujours invoquer l'argument paternaliste ("protéger les gens contre eux-même").
Et si vraiment il est souhaitable d'imposer un plafond uniforme, pourquoi celui-ci ? Un décret d'application nous dit que l'ICC ne forme plus qu'un cinquième de l'IRL ; on lui a ajouté un cinquième de prix des travaux d'entretien du logement et trois cinquièmes de l'indice des prix à la consommation, hors loyers (et tabac et alcool, comme il s'entend toujours). Pourquoi ? Le premier ajout reste dans l'esprit de l'ICC ; le deuxième, massif, est plus curieux. Supposons par exemple que tous les prix (hors loyers) augmentent de 2 pour cent par an. Si la productivité augmente dans tous les secteurs de 2 pour cent par an (soyons optimiste), alors l'ICC et le coût d'entretien augmentent de 4 pour cent par an s'ils ne mobilisent que du travail ; et l'IRL augmentera alors de 2,8 pour cent par an là où l'ICC aurait augmenté de 4 pour cent. Est-ce bien, est-ce mal ? Plutôt mal, à mon avis. Les loyers sont un prélèvement sur les revenus des locataires et constituent une part des revenus des propriétaires. Les revenus des locataires augmentent comme les salaires, 4% dans mon exemple ; et les propriétaires prennent du retard. C'est de la redistribution, sans doute, mais elle est bien opaque---et pour ce qui est de stimuler la construction de logements en France, antienne du ministre, ce n'est pas le moyen le plus direct...
L'autre inconvénient de ce changement, c'est que le nouvel indice prend moins bien en compte les évolutions du secteur économique pertinent. Il y a par exemple des signes clairs que les métiers du bâtiment attirent de moins en moins, ce qui doit logiquement conduire à une augmentation des salaires relatifs dans ce secteur. Dans ce cas, l'IRL peut prendre rapidement encore plus de retard sur les coûts de construction de logements que les 1,2 pour cent évoqués ci-dessus. Une brillante idée, vraiment.
Il y a deux moyens très sûrs de détruire une ville : Le bombardement stratégique et le contrôle des loyers...
http://www.pkarchive.org/column/6700.html
Rédigé par : econoclaste-alexandre | 13 janvier 2006 à 17:56
Votre article appelle une question pratique : comment se passe la renégociation du loyer d'un bail annuel renouvelable dans un marché libre, a-t-on des exemples?
Il y a un élément qui doit jouer : en cas d'échec de la renégociation annuelle, le bailleur comme le locataire subissent un coût si ils souhaitent changer de partenaire commercial. Le bailleur subit une période de vacance et doit payer une agence, et le locataire doit payer un préavis et un déménagement. Le coût total de l'échec est de 3 à 6 mois de loyer minimum, ce qui est énorme au regard de l'enjeu de la négociation qui n'est que de 4% du loyer annuel!
Dans ces conditions, comment imaginer autre chose qu'une reconduction du même loyer (BATNA) jusqu'à ce que les conditions de marché aient suffisamment évolué pour justifié un "saut quantique"?
Le système actuel permet donc au propriétaire d'augmenter "un peu" le loyer - c'est mieux que rien. Il n'est pas symétrique car je ne connais pas de clause permettant au locataire de baisser son loyer, même en cas d'effondrement du marché immobilier. Il n'est donc pas choquant qu'il ampute une partie de la hausse dûe au propriétaire. Est-ce que je me trompe?
Rédigé par : Stéphane | 14 janvier 2006 à 02:21
Aux Etats-Unis, au Canada aussi pour citer un pays très différent, les baux sont d'un an, sans engagement pour la suite. Voilà l'exemple (je ne dis pas qu'il soit à suivre). Quand à l'argument "coût en cas de renégociation infructueuse", il joue dans beaucoup de relations économiques, en particulier la plupart des relations entre un client et un fournisseur dans l'industrie. L'Etat ne leur impose pas pour autant un encadrement aussi strict, en particulier pas un encadrement qui, par construction, impose à l'une des parties que ses revenus progressent moins vite que ses coûts...
Rédigé par : Bernard Salanie | 14 janvier 2006 à 10:48
Bonjour,
1) Pourquoi lier à l'indice de la construction : un bien immobilier ne doit pas être reconstruit chaque année ?
Cette rmq est d'autant plus vraie qu'à vous lire, il y a un indice entretien distinct de l'indice construction...Il est vrai que cette distinction est étrange (un entretien est une (+-) petite reconstruction [ par exemple, on change les éléments de chauffagerie, les vitres, la peinture,...])>>> Ceci dit, faut pas oublier que les charges d'entretien pèsent légalement, en gros au moins depuis Napoléon, pour leur majeure partie sur le locataire et que celles du propriétaire sont en principe déductibles fiscalement (et pèsent donc sur la collectivité)...
L'argument relatif à l'évolution du secteur économique pertinent (le bâtiment) me laisse aussi sceptique : le coût d'une construction à neuf se répercute dans le prix de vente du bien (lapalisse n'aurait pas dit mieux)qui, lui-même se répercute dans le montant du loyer...Une fois ce montant arrêté, plus besoin de le lier à l'évolution ultérieure de l'indice construction.
L'indice général des coûts à la conso (hors tabac et alcool) n'est-il pas préférable ? Cela revient me semble-t-il à faire peser l'inflation (présumée) de façon équivalente sur le locataire et le propriétaire, partant de l'idée que les salaires et revenus de remplacement restent indexés sur cette base (ainsi, seuls les revenus des capitaux mobiliers suivent un chemin différent)...
2) Une renégoçiation annuelle ? Bonjour, la position de faiblesse pour le locataire qui a beaucoup plus à y perdre que le proprio(déménagements, recherches, nécessité de se réadapter à un nouveau cadre de vie...)et risque donc d'accepter ce qu'il n'aurait pas accepté en début de bail... Ne parle-t-on pas au Québec des files hystériques de candidats-locataires du mois de juillet tandis que les hausses de loyer y semblent très largement supérieures (euphémisme) à l'inflation "générale"...
3) La limitation préalable par un indice déterminé librement par les parties. Trop dangereux selon moi. Parmi les locataires, il y a en tous cas les plus démunis, rarement à même d'apprécier les conséquences d'arrangements trop sophistiqués. C'est vrai que c'est du paternalisme (de mauvais aloi ?)...
Ceci dit, je reste un fidèle de votre blog et j'espère être assailli de répliques en toute courtoisie...
Bonne continuation.
Rédigé par : lo | 29 janvier 2006 à 17:28
* les economistes n'aiment pas tellement les arguments paternalistes, par methodologie (l'individu rationnel et ses choix...) ; ils sont aussi un peu suspects parce que leurs limites ne sont pas bien fixees---pas Big Brother sans doute, mais Little Brother deja surement.
* un encadrement des augmentations de loyer rend par definition inoperants (pour le parc de logements anaciens) les enchainements comme "le coût d'une construction à neuf se répercute dans le prix de vente du bien (lapalisse n'aurait pas dit mieux)qui, lui-même se répercute dans le montant du loyer...Une fois ce montant arrêté, plus besoin de le lier à l'évolution ultérieure de l'indice construction."
* si on veut encadrer les augmentations de loyer, il faut le faire d'une maniere qui ne soit pas trop deconnectee de l'evolution a long terme de la demande et de l'offre de logements---sans quoi on ne peu que creuser un desequilibre croissant. L'ICC n'etait pas ideal, loin de la, mais dans la mesure ou il refletait largement le salaire des ouvriers du batiment, il repondait aux mouvements de la demande (les constructions neuves) comme de l'offre (par les couts).
* les revenus du locataire progressent (habituellement) comme l'indice des prix a la consommation + les gains de productivite du travail, qui se repercutent bon an mal an dans les salaires. Indexer les loyers sur l'IPC revient, encore une fois, a decreter que les revenus des proprietaires bailleurs seront fixes en termes reels, contrairement a ceux des locataires qui augmenteront au rythme des gains de productivite.
Rédigé par : Bernard Salanie | 29 janvier 2006 à 22:54
Bonjour,
Je voulais des répliques, me voilà verni. C'est l'état de siège, ma parole ! :-)Je vais essayer de désserrer l'étau...
* Les juristes constatent chaque jour que les gens sont loin d'optimiser à chaque fois leur rationnalité dans le cadre de la conclusion des contrats (c'est par exemple l'erreur, le dol, la violence qui foisonnent dans les recueils de jurisprudence...). L'histoire du droit met en évidence que, à défaut de "Little Brother", c'est souvent par la vengeance privée que les gens rendront leur justice à leur "brother"...
*Ceci dit Ok sur le fait que les limites sont dures à cerner. Appliqués aux locataires, pour éviter d'être trop compliqué, ça ne peut être que le système du tout ou rien...Evidemment le tout à ma préférence, étant certain que cette protection s'impose pour partie des locataires : il s'agit là du moindre mal.
*Je parle d'un encadrement de l'EVOLUTION des loyers. Le loyer réel dépend de deux variables : le loyer de base et l'index. >>> A la 1ère variable s'applique l'enchaînement (et on a donc tenu compte du coût de la construction), étant entendu que, à mes yeux, la 2e variable doit se déterminer pour les motifs que j'ai exposés sur base de l'indice général.
* Indice construction doit certainement être un reflet fort tronqué de la réalité vu la fréquence du travail en noir dans ce secteur. De +, je suppose que cet indice tient compte du prix des terrains (d'une nature économique particulière...)dont le prix va aller crescendo vu la raréfaction des parcelles non bâties intéressantes...
* Il me semble que c'est plus mal an que bon an que les gains de productivité profitent aux travailleurs - locataires (par exemple, songeons aux bénéfices mirobolants et croissants des grandes entreprises qui délocalisent à tout va dans le même temps). Par ailleurs, le bien immobilier n'a pas augmenté sa "productivité" dans le même temps. Ma parole, c'est d'une sorte de système de justice distributive (ou pas ?) que vous parlez là :-)! Faut pas oublier que les capitaux immobiliers bénéficient de l'indexation de leurs revenus, ce qui n'est en règle pas le cas des capitaux mobiliers : c'est déjà pas mal, non ?
Bonne continuation.
Rédigé par : lo | 30 janvier 2006 à 15:44
La réforme de l'indexation des loyers favorise enfin les locataires
http://www.lefigaro.fr/debats/20060408.FIG000000795_la_reforme_de_l_indexation_des_loyers_favorise_enfin_les_locataires.html
Passons sur les raisonnements du style "Si l'ICC monte c'est parce que le secteur de la construction n'attire pas assez de main d'oeuvre, donc il faudrait augmenter les salaires pour améliorer l'offre de logement". Curieux mélange de bootstrapping et de méthode Coué...
On relève cependant un point intéressant dans cet article : JP.Robin affirme que ICC et inflation ont une évolution parallèle à long terme. Si c'est vérifié, on ne peut plus considérer que la nouvelle loi opère un "transfert" des propriétaires vers les locataires, ni qu'elle est en fait une politique de redistribution déguisée avec son cortège d'effets secondaires indésirables.
Mais alors, s'il s'agit d'un mécanisme visant à "lisser" l'évolution du prix du marché, pourquoi pas? Après tout il y a d'autres domaines où une bonne politique contracyclique est souhaitable. A condition que cela ne dégrade pas (trop) l'efficacité du marché en question.
Quels économistes faut-il lire sur le sujet des contrats avec coûts de renégociation? (cf. mon post précédent)
Rédigé par : Stéphane | 08 avril 2006 à 06:52
Si ICC et inflation ont effectivement une évolution parallèle à long terme, on pourrait donc carrément se référer à l'indice général et non plus au cocktail concocté par l'INSEE.
Les nouvelles habitations ne subiront pas de plein fouet l'effet de lissage, la loi Mermaz prévoyant que le loyer de base peut, en cas de logements neufs, être fixé librement (alors qu'on sait que le loyer de base tient compte du coût de la construction).
Pour les achats sur le marché secondaire, c'est plus délicat...
Je me demande si la meilleure méthode d'évaluation (de l'évolution) de la valeur du bien ne serait pas celle-ci :la détermination se fait en quatre temps :
1. Prise en considération valeur initiale (prix de vente).
Eventuellement, 2e critère à appliquer à la marge, s’il est manifeste que le prix de vente ne reflète pas la norme.
2. Application d’un coefficient d’appréciation / dépréciation selon l’évolution du bien en termes de vétusté et de standards de confort.
Prise en considération des investissements faits pour modification, entretien, réparation et rénovations ou prise en considération de l’état des lieux. Peut-être, règle combinant les deux critères (s’agit de faire une appréciation "in concreto", au cas par cas).
3. Détermination d’un coefficient prenant en considération l’évolution de la valeur de l’ensemble du parc immobilier concerné par rapport à l’inflation générale parce que c’est le nombre qui représente le mieux l’évolution (la plus individualisée possible) de la valeur du capital investi.
En termes économiques, cette évolution peut, je crois, être calculée assez facilement : En comparant la courbe de l’indice général et la courbe de l’évolution des prix des terrains et maisons vendues et (re)vendues dans un espace géographique prédéterminé, si on se limite à l’analyse du secteur acquisitif.
Il me semble qu’il faut à ce stade de l'opération se limiter à ce seul secteur parce que c’est celui-là qui est susceptible de représenter au mieux l’évolution, en raison de sa situation, de la valeur du capital investi.
Ex : l’évolution locale est de 5% tandis que l’inflation générale est de 3% : Alors, application du coefficient 100 x 105 / 103 = 101, 94%.
4. Prise en considération de l’indice général parce qu’il représente l’évolution du pouvoir d’achat de la demande.
>>> Dans l’exemple : 101,94 x 103 / 100 = on revient à 105.
5. A cette valeur, on détermine un taux de rendement. Dans le cadre d’une analyse purement statistique, on fait la moyenne des rendements recensés sur le parc immobilier concerné.
>>> Dans l’exemple :
La valeur unitaire est passée de 100 à 105. Pendant ce temps, le loyer unitaire moyen est passé de 3,2 à 3,5.
Le résultat à retenir que le nouveau rendement pour déterminer le loyer est de 3,5 x 100 / 105 = 3,3 %.
Ne reste plus qu'à appliquer ce taux à la valeur du bien et on obtient un loyer moyen à propos duquel j'espère que vous me ferez part de vos commentaires.
Rédigé par : lo | 09 avril 2006 à 06:11