Alternative classique, qui peut parfois prendre des formes un peu extrêmes, comme dans cet article de James Surowiecki dans le New Yorker:
In 1638, Ch’ung-chen, the last Ming emperor, declared war on tobacco: anyone caught importing or using it would have his head chopped off. Ch’ung-chen was not the only seventeenth-century monarch to take a hard line on the matter. Thirty-four years earlier, James I of England had written “A Counterblaste to Tobacco,” a tract that condemned smoking as “a custome lothsome to the eye, hatefull to the Nose, harmefull to the braine, dangerous to the Lungs.” But, as a lawmaker, James adopted a more circuitous approach to regulation. At first, he attempted to banish smoking by raising tobacco taxes four thousand per cent. When that didn’t work, he decided that, if people were going to smoke, the state should at least profit, and he established a royal monopoly on tobacco.
Les motivations de Ch'ung-chen et de Jacques 1er semblent avoir été différentes : le premier voulait éviter l'intrusion de moeurs étrangères dans l'Empire du Ciel, tandis que le second hésitait entre un désir paternaliste de préserver la santé de ses sujets de ce fléau ("harmefull to the braine, dangerous to the Lungs") et un souhait, plus légitime pour un bon libéral qu'il n'était pas vraiment, de réduire l'effet externe négatif du tabac ("lothsome to the eye, hatefull to the Nose", la fumée secondaire en somme).
Plus intéressant, pour qui vient de faire un cours sur le réchauffement climatique comme moi, est l'opposition entre la régulation "par les quantités" (Ch'ung-chen) et la régulation "par les prix", qui a fait l'objet d'un article classique de Martin Weitzman en 1976---Weitzman a eu depuis des ennuis judiciaires un beu baroques, mais c'est une autre histoire.
Comme les négociateurs de Kyoto, Ch'ung-chen avait choisi de fixer la quantité de tabac qui pouvait être consommée en Chine. Il avait apparemment déterminé que la quantité souhaitable était... nulle, ce qui est un peu extrême mais pas impossible, si on considère que
- il était le seul à décider
- il avait une forte aversion pour le tabac
- couper des têtes ne le gênait sans doute pas tellement.
Beaucoup d'économistes pensent que l'application des résultats de Weitzman aurait plutôt suggéré une approche par les prix, par exemple la fameuse "carbon tax", qui aurait frappé toutes les consommations au prorata du dioxide de carbone dégagé. En effet, les coûts économiques entraînés par une réduction des émissions sont incertains ; mais les spécialistes nous disent (majoritairement) que le coût d'une réduction d'une tonne croît très rapidement : on commence par faire les sacrifices moins coûteux, puis on passe aux mesures plus douloureuses, jusqu'à devoir modifier radicalement notre mode de vie. On peut montrer que dans ces conditions, il serait préférable d'instaurer une taxe sur le CO2, plutôt que de fixer des objectifs de réduction des émissions.
Ergo, Jacques 1er aurait eu raison ; cela dit, un taux de 4 000 pour cent était certainement à droite du sommet de la courbe de Laffer (surtout en tenant compte de la contrebande). Les promoteurs de la taxe sur le CO2 parlaient de 10 dollars par tonne, soit environ 1,5 dollar sur un baril de pétrole. L'augmentation du prix du pétrole la rendra peut-être plus acceptable pour les américains...
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