Inclure des citations intéressantes les unes après les autres à gauche de la page titre de ce blog n'étant visiblement pas la bonne solution, je crée une nouvelle rubrique "la citation du jour", qu'on se le dise. La dernière citation restera dans la rubrique "en exergue".
Voici donc la dernière, pour ceux qui croient encore qu'Adam Smith avait de la sympathie pour les riches. Elle est extraite de l'ouvrage qui l'a rendu célèbre comme philosophe en 1759, "Theory of Moral Sentiments":
The fortunate and the proud wonder at the insolence of human wretchedness, that it should dare to present itself before them, and with the loathsome aspect of its misery presume to disturb the serenity of their happiness.
Et voici les précédentes. La première était extraite de la "Vie de Turgot" publiée par Condorcet (à Londres...) en 1786 :
La plupart des hommes, soit par le vice de leur éducation, soit pour n’avoir pas contracté l’habitude de réfléchir, ne jugent point par eux-mêmes et reçoivent d’autrui toutes leurs opinions. Pour juger par soi-même, il faut savoir analyser les propositions qu’on examine et les preuves sur lesquelles on les appuie ; examen qui exige du temps, du travail, et, pour presque toutes les questions, des études préliminaires. Dans les Sciences Physiques, on convient sans peine de son ignorance, on avoue que pour les entendre on a besoin de les étudier, on connaît ceux qui passent pour en être instruits, on s’en rapporte à eux, et il suffit que les gens éclairés conviennent d’une vérité pour que le reste la croie et la professe. Il n’en est pas de même dans l’Economie politique. Chacun s’y croit Juge ; on n’imagine pas qu’une Science qui n’emploie que des mots de la langue usuelle ait besoin d’être apprise ; on confond le droit social d’avoir un avis sur ce qui intéresse la Société, avec celui de prononcer sur la vérité d’une proposition, droit que les lumières seules peuvent donner. On veut juger et on se trompe.
La seconde était du chanteur préféré des Pomponnettes, l'immortel Joe Dassin (1970) :
Mes amis, je dois m'en aller
Je n'ai plus qu'à jeter mes clés
Car elle m'attend depuis que je suis né
L'AmériqueJ'abandonne sur mon chemin
Tant de choses que j'aimais bien
Cela commence par un peu de chagrin
L'AmériqueL'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir et je l'aurai
L'Amérique, l'Amérique, si c'est un rêve, je le saurai
Tous les sifflets de trains, toutes les sirènes de bateaux
M'ont chanté cent fois la chanson de l'Eldorado
De l'AmériqueMes amis, je vous dis adieu
Je devrais vous pleurer un peu
Pardonnez-moi si je n'ai dans mes yeux
Que l'AmériqueJe reviendrai je ne sais pas quand
Cousu d'or et brodé d'argent
Ou sans un sou, mais plus riche qu'avant
De l'AmériqueL'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir et je l'aurai
L'Amérique, l'Amérique, si c'est un rêve, je le saurai
Tous les sifflets de trains, toutes les sirènes de bateaux
M'ont chanté cent fois la chanson de l'Eldorado
De l'AmériqueL'Amérique, l'Amérique, je veux l'avoir et je l'aurai
L'Amérique, l'Amérique, si c'est un rêve, je le saurai
L'Amérique, l'Amérique, si c'est un rêve, je rêverai
L'Amérique, l'Amérique, si c'est un rêve, je veux rêver...
Et la troisième, d'Edward Gibbon (qui était un ami d'Adam Smith), extraite de "The Decline and Fall of the Roman Empire", qui montre que la mondialisation a des effets économiques depuis belle lurette :
In the year 1238 the inhabitants of Gothia (Sweden) and Frise were prevented by their fear of the Tartars from sending, as usual, their ships to the herring-fishery on the coast of England ; and as there was no exportation, forty or fifty of these fish were sold for a shilling. It is whimsical enough that the orders of a Mogul khan, who reigned on the borders of China, should have lowered the price of herrings in the English market.
Hors sujet (ou alors papier du jour :) : on entends souvent le terme "flexibilite du marche du travail" dans un sens d'une solution au chomage a 10%. Pourtant via Crooked Timber ce papier semblent jetter une forte ombre sur cette idee :
http://www.newschool.edu/cepa/publications/workingpapers/archive/cepa200404.pdf
Qu'en pensez-vous ?
Laurent
Rédigé par : guerby | 25 septembre 2005 à 06:01
Je ne connais pas les auteurs de ce papier---qui viennent de la New School of Social Research, le dernier bastion des "économistes critiques" aux Etats-Unis. La plupart de ces études (celles qui imputent une forte part du chômage aux rigidités du marché du travail, comme celles qui disent que c'est un mythe comme celle-ci) utilisent un panel de pays. Idéalement, on identifierait l'effet des coûts de licenciement sur l'emploi, par exemple, en comparant l'évolution du chômage dans deux pays strictement identiques, à la seule différence que les coûts de licenciement y ont évolué différemment au cours du temps. En pratique, c'est évidemment impossible (il n'y a pas deux pays identiques dans le monde), et on essaie de contrôler les différences entre pays en introduisant d'autres variables explicatives. Mais :
* pour le faire bien, il faudrait avoir en tête la liste complète des variables importantes (et la facon dont elles déterminent le chômage) ;
* la plupart des variables introduites sont soit très réductrices (la générosité de l'assurance chômage sur une échelle de 1 à 10, alors qu'en France par exemple, il faudrait au moins cinq ou six paramètres), soit mesurées avec un flou artistique certain (la rigidité du secteur du commerce...)
Le résultat, c'est que (comme en économie du développement quand on essaie de rendre compte des causes des différences entre pays) les effets estimés vont dans tous les sens : ils ne sont pas "robustes", au sens où en changeant la liste des pays ou des variables, on peut changer radicaleemnt les conclusions. Je ne pense pas que ce soit la bonne méthode.
Rédigé par : Bernard Salanie | 25 septembre 2005 à 09:45
Merci pour ces explications. Si j'ai bien compris, vu qu'il n'y a pas d'études "sérieuses" sur le sujet, voir les "rigidités" sur le marché du travail comme source du chomage est un acte de foi, non basé sur la science économique ou un consensus entre économiste "sérieux".
Laurent
PS: il me semble que l'article va dans votre sens et montre juste l'absence de résultats statistiques significatifs mais ne va pas tirer de conclusion inverses des articles qu'il critique.
Rédigé par : guerby | 25 septembre 2005 à 14:07
Ce n'est pas exactement ce que j'ai écrit. Je pense simplement que cette approche méthodologique ne sera jamais convaincante. En revanche, il y a des centaines d'études empiriques qui cherchent à évaluer l'impact de telle ou telle réglementation en utilisant des méthodes moins brutales. Elles ont plus de crédit parmi les économètres, si ce n'est dans la presse.
Rédigé par : Bernard Salanie | 25 septembre 2005 à 14:23
Merci, en esperant voir ces études citées un jour sur ce blog :).
Laurent
Rédigé par : guerby | 25 septembre 2005 à 14:40
Cher monsieur,
Je sais que vous êtes très compétent sur les questions de microéconomie. Ayant moi-même suivi quelques cours d'économie, j'ai toujours eu du mal à évaluer l'importance du modèle d'Arrow-Debreu. Si vous en avez le temps, pourriez-vous, s'il vous plaît, expliquer, en termes relativement simples, en quoi le théorème dit de Sonnenschein-Mantel-Debreu, le théorème dit de l'optimum du second rang ainsi que le théorème dit de Nash (équilibre) "affaiblissent" (ou pas ?) le modèle de concurrence parfaite d'Arrow-Debreu, et quelles conséquences concrètes ont ces théorèmes pour le décideur de politique économique (s'il y en a) ? Je crois que votre réponse pourrait intéresser vos lecteurs réguliers. Merci.
Rédigé par : YN | 26 septembre 2005 à 04:27