Sans vouloir offenser les Varois, on entend rarement parler de leur département pour en célébrer les succès : il y a eu la corruption généralisée façon feu Maurice Arrecks (voir par exemple l'Huma), la mairie Front National de Toulon, les incendies de forêts chaque été... et un article de Michel Balinski dans Commentaire m'apprend que le Var détient le record d'inégalité devant le vote : la population des cantons (qui élisent chacun un conseiller général, par définition) varie de 1 à 50, et celle des circonscriptions législatives de 1 à 2,5. Le Var n'est qu'un cas extrême, on le sait bien en ce qui concerne la désignation des sénateurs : un Français "compte" deux fois plus quand il habite dans une commune de moins de 3 500 habitants que quand il habite dans une commune de plus de 9 000 habitants. Mais j'ignorais jusqu'à quel point cette surreprésentation des zones rurales jouait également à l'Assemblée Nationale : la circonscription moyenne d'un député comprend 79 000 habitants dans les vingt-cinq départements les moins peuplés, 112 000 dans les vingt-cinq les plus peuplés. L'écart maximal entre deux circonscriptions est de 1 à 5,5 (entre la 2e circonscription de la Lozère et la 2e du Val d'Oise).
Comment en est-on arrivé là ? L'article 3 de la Constitution énonce pourtant que
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret.
En juillet 2003, le nombre de sénateurs a été augmenté (toutes les assemblées tendent à voir leur budget et leur nombre augmenter, c'est la loi du genre...). A cette occasion, le "biais rural" s'est encore accru, de façon parfois surprenante : quatre départements plus peuplés que la Creuse n'ont qu'un sénateur, par exemple, tandis que la Creuse en a deux (on suppose qu'il fallait faire deux heureux dans la Creuse). Le Conseil Constitutionnel s'est encore un peu déconsidéré en jugeant ces mesures regrettables, mais pas au point d'être inconstitutionnelles (!).
Michel Balinski s'intéresse depuis longtemps aux lois électorales, poursuivant ainsi une honorable tradition parmi les mathématiciens français (Condorcet au premier rang d'entre eux). Je vous recommande la lecture de son article, qui contient également d'intéressantes considérations sur le découpage électoral et sur la représentation proportionnelle.
Votre référence à un article de l'Huma attire mon attention sur une étrangeté : lorsque la presse a voulu passer à internet, elle a donné gratuitement ce qu'elle vendait (l'actualité) et vendu ce qu'elle donnait au préalable (ses archives que l'on pouvait consulter au journal et dans n'importe quelle librairie). Seule à ma connaissance, l'Humanité a choisi de faire le contraire, de donner gratuitement ses archives et de ne mettre en ligne son journal qu'avec un jour de retard. Cela parait plus raisonnable, cela semble en tout cas de nature à lui faire moins de tort. Il est vrai que sa situation économique est tellement catastrophique…
Rédigé par : Bernard Girard | 08 juillet 2005 à 10:54
Je vous recommande l'article de Balinsky paru en avril 2001 qui commencait peu ou prou par "et si le 21 avril 2001 les urnes faisait arriver ua deuxieme tour un candidat que personne ne souhaite ?".
Rédigé par : Mouaif | 08 juillet 2005 à 15:07
Je signale aussi son récent livre "Le suffrage universel inachevé" (Belin, 2004) :
http://www.amazon.fr/exec/obidos/ASIN/2701137748/qid%3D1120855717/402-7446953-8088908
Rédigé par : Bernard Salanié | 08 juillet 2005 à 16:49
Je suis Varois (d'importation) ; ce sont les Parisiens qui allument les feux, c'est bien connu, sinon pour le reste tout est vrai.
Les Alpes Maritimes et la Corse ne sont pas mal non plus.
Rédigé par : all | 09 juillet 2005 à 03:04
Michel Balinski me signale son article dans Libé sur le même thème :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=313673
Rédigé par : Bernard Salanié | 28 juillet 2005 à 03:10