Voilà une contribution présidentielle de la meilleure eau, qui m'avait malencontreusement échappé :
Le libéralisme, ce serait aussi désastreux que le communisme.
(Jacques Chirac, Le Figaro, 16 mars 2005).
Où était Jacques Chirac au vingtième siècle ? Ou y a-t-il quelque chose dans son alimentation qui déclenche ces délires verbaux ?
"Ou y a-t-il quelque chose dans son alimentation qui déclenche ces délires verbaux"
C'est le problème de la gratuité. Ca laisse de l'aléa dans la qualité...
Rédigé par : SM | 06 juillet 2005 à 09:11
Comme économiste, je peux comprendre que "la qualité dépend du prix", comme dirait mon collègue Joe Stiglitz. Je suis moins sûr que la gratuité explique les fluctuations dans la qualité, par opposition à son niveau moyen. Et je viens de décider, pour ma tranquillité d'âme, que votre commentaire s'applique mieux au verbe présidentiel qu'à mon blog.
Rédigé par : Bernard Salanié | 06 juillet 2005 à 09:27
E. Balladur avait fait également très fort en 1993 :
http://econo.free.fr/scripts/betisier.php3
Rédigé par : econoclaste-alexandre | 06 juillet 2005 à 13:05
"Ou y a-t-il quelque chose dans son alimentation qui déclenche ces délires verbaux ?"
La Corona?
Rédigé par : Emmanuel | 06 juillet 2005 à 13:17
S'il était seul à le penser, ce ne serait qu'un demi-mal… Malheureusement, comme le sait quiconque fréquente un peu les altermondialistes et autres radicaux, ce n'est pas le cas. Et ce n'est, pour ce qui les concerne, ni une affaire d'alimentation ni une affaire de boisson.
Rédigé par : Bernard Girard | 07 juillet 2005 à 03:03
Il faudrait aussi se mettre d'accord sur ce qu'on entend par "libéralisme". Si c'est Hayek, Friedman et cie, je suis pas loin d'être de l'avis de Chirac (je vais me faire lyncher).
Rédigé par : ming | 07 juillet 2005 à 04:28
"Et je viens de décider, pour ma tranquillité d'âme, que votre commentaire s'applique mieux au verbe présidentiel qu'à mon blog."
Vous avez bien raison.
Car, dans le pire des cas, l'effet de la qualité de votre gratuité n'a que peu de conséquences en termes d'effets externes sur le devenir du pays. Au moins en comparaison avec le verbe présidentiel (surtout quand on sait que le bonhomme a tendance à agir avant de réfléchir ou de parler, on comprend bien le problème).
Au fait, conséquence récente des pitreries du grand couillon, on peut plus aller en Finlande...
Rédigé par : Econoclaste-SM | 07 juillet 2005 à 06:27
Ceci dit, heureusement qu'il y a des myrtilles dans le renne bouilli aux myrtilles... En revanche, Chirac devrait aller plus souvent à Londres, où la cuisine est devenue d'un très bon niveau (pas dans les "pub grubs", of course).
Rédigé par : Bernard Salanié | 07 juillet 2005 à 07:23
Mon commentaire précédent, écrit sans avoir eu de nouvelles des nouveaux attentats terroristes, me paraît ce soir d'un mauvais goût bien involontaire. Je ne vois pas, quant à moi, ce qui va arrêter cette folie meurtière (et certainement pas la paix au Proche-Orient ou une autre avancée concrète qui "donnerait satifaction" à ces dingues). Et je considère avec une certaine inquiétude les restrictions aux libertés qu'amène la lutte légitime contre le terrorisme, en France comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni.
Pour en revenir à ce que je peux faire, c'est-à-dire essayer d'expliquer ce que je crois vrai : Ming écrit "Si [le libéralisme] c'est Hayek, Friedman et cie, je suis pas loin d'être de l'avis de Chirac". Bon, inventorions donc les pièces à charge de part et d'autre.
Il y a les hommes : Marx et Lénine d'un côté, Hayek et Friedman de l'autre. On peut d'abord juger ce que l'on sait de leurs caractères. Friedman s'en tire plutôt bien à ma connaissance (on lui reproche surtout son présumé soutien au régime de Pinochet, qui est largement un mythe, voir http://www.pbs.org/wgbh/commandingheights/shared/minitextlo/int_miltonfriedman.html#10). Hayek a eu une conduite personnelle assez douteuse (il a abandonné son épouse légitime, et est allé jusqu'à s'établir en Arkansas pour obtenir un divorce qu'elle refusait) ; mais, bien qu'autrichien, il a toujours eu une attitude irréprochable en ce qui concernait les libertés. Marx n'était pas sans tache : si on met de côté les faits divers (il a engrossé sa bonne et fait adopter le bébé par un Engels toujours prêt à rendre service), son amour abstrait de l'humanité se transformait en une haine viscérale de certaines catégories, et notamment ceux qui lui étaient politiquement proches mais n'acceptaient pas son autorité sans réserves---sans parler de son antisémitisme : je défie quiconque de lire aujourd'hui "La question juive" sans dégoût. Lénine, lui, semble avoir été constamment prêt à sacrifier des masses humaines pour aider l'Histoire à arriver à sa fin présumée.
Mais l'argument le plus fort est évidemment le décompte macabre, mais nécessaire, des atrocités dont la conscience des uns et des autres est aujourd'hui chargée. Que peut-on mettre aujourd'hui en face des dizaines de millions des victimes du communisme ? Les 5000 victimes de Pinochet, à supposer que leur assassinat ait été inspiré par Friedman ? Les 30000 victimes des généraux argentins ? Les 200000 victimes (peut-être) de la guerre en Irak, puisque je suppose que c'est aussi le libéralisme qui les a tués ? Le million de victimes de la guerre du Vietnam ? (avant la victoire du Nord en 1974, puisque comme chacun sait, la situation s'est améliorée ensuite). Vraiment, le compte n'y est pas (à moins que vous ne mettiez le nazisme dans le camp des libéraux, ce qui aurait horrifié Hitler)...
Je ne vois pas comment un homme politique d'un pays démocratique peut décemment tenir ce genre de propos, qui insultent (entre autres) les pays de l'ex bloc de l'Est qui nous ont aujourd'hui rejoints dans l'Union Européenne. On peut ricaner du "chiraquisme" et de son aspect roublard, mais notre président a tout de même des propos qui déclenchent chez moi de l'écoeurement plus que du ricanement.
Rédigé par : Bernard Salanié | 07 juillet 2005 à 15:31
"Que peut-on mettre aujourd'hui en face des dizaines de millions des victimes du communisme ? Les 5000 victimes de Pinochet, à supposer que leur assassinat ait été inspiré par Friedman ? Les 30000 victimes des généraux argentins ? ..."
Je ne vous suis pas sur cette voie. C'est un exercice dangereux à mon sens.
Je comprends que la comparaison soit tentante. Mais, au fond, on justifie ainsi le parallèle entre totalitarisme et libéralisme.
Car, finalement, d'où vient que des penseurs libéraux sont aujourd'hui comparés aux pires assassins de masse de l'histoire ?
- De la séquence Hitler = x morts
- Ah, mais Staline = y morts.
- Oh, mais maintenant que les deux ne sont plus là (et qu'on a du mal à dire que Staline était un saint), il reste encore Friedman, qui en est déjà à z morts.
Et, de toute façon, on vous dira que vous oubliez la vache folle (le productivisme), le SIDA (les brevets), le tsunami (encore le profit) etc. etc.
Hier encore, des gens sont morts sur les routes, conduisant des voitures. Qui est coupable ? Forcément un sbire libéral...
C'est sans fin.
Pour en revenir à l'actualité, je le supposais depuis un moment, je le pense encore plus aujourd'hui, s'il ne doit rester qu'une seule démocratie libérale en Europe, ce sera certainement la GB. Quand "Ken the Red" tient le discours d'aujourd'hui, (http://econoclaste.org.free.fr/modules.php?op=modload&name=News&file=article&sid=182&mode=thread&order=0&thold=0) on se dit que le meilleur n'est jamais certain dans ce pays.
Rédigé par : Econoclaste-SM | 07 juillet 2005 à 17:15
Je ne propose pas de généraliser ce genre de comptabilité. Mais l'attitude inverse conduit au relativisme moral, dont on a vu les méfaits en France par exemple pendant la Guerre Froide (cf Sartre : les Américains sont moralement équivalents aux nazis puisqu'ils ont exécuté les époux Rosenberg).
Rédigé par : Bernard Salanié | 07 juillet 2005 à 18:19
Je reconnais qu'entrer dans les comptes est ponctuellement inévitable, notamment pour la raison que vous indiquez. Mais c'est un piège potentiel terrible.
Rédigé par : Econoclaste-SM | 07 juillet 2005 à 19:14
pour continuer cette comptabilité macabre sous un éclairage différent, j'avis vu il y aquelques années à la télévision un universitaire britannique expliquer que l'onéissance ( la soumission) à l'odre établi avait beaucoup plus fait de victimes que la désobéissance,....
il neutralisait les guerres, mais comptait dans les victimes de l'obéissance celles des camps (nazis ou communistes) partant de l'idée que les bourreaux auraient "du" se révolter,
et mettait dans la désobéissance à l'ordre la délinquance...
il suggérait aisi qu'il vaut mieux un meurtrier révolté qu'un assassin commandé...
je n'ai agrdé ni son nom ni ses coordonnées, j'aimerais revoir les hypothéses e les calculs sur papier...
Si cela vous dit quelquechose.... merci
Rédigé par : francis | 08 juillet 2005 à 06:33
Les victimes des Friedman & co ne sont pas comptabilisées. Il ne s'agit pas de la guerre du vietnam ou de l'invasion de l'Irak, dont je ne vois pas le rapport avec ces économistes mais de politiques économiques qui créent des inégalités et voudraient nous ramener au paupérisme du XIXè siècle. Cette dernière assertion peut paraître gratuite et choquante dans l'excès, mais les conseils de Friedman n'ont été appliqués que fort localement et temporairement, dans des pays où le contrôle démocratique a vite mis un terme aux excès engendrés. Imaginez maintenant une politique thatchérienne pendant 70 ans et sans possibilité d'alternance politique. Moi je pense qu'on ne serait pas très loin de revenir pour la majorité aux conditions de vie de Germinal...
Au niveau global, je pense aussi que certaines politiques libérales de la même mouvance ont été nuisibles pour les pays les plus faibles (ou affaiblis, telle la Russie post-communiste) et ont provoqué indirectement un recul des conditions de vie de millions de gens (et cela provoque des morts, n'est-ce pas?). Et je ne fais pas du Stieglitz, j'ai juste l'impression de constater une réalité.
Je suis à l'écoute de tout argument fondé sur des faits qui me feraient changer d'avis.
Rédigé par : ming | 08 juillet 2005 à 07:41
Quel mélange... le libéralisme a en son coeur la désignation démocratique des dirigeants, ce qui signifie qu'"une politique thatchérienne pendant 70 ans et sans possibilité d'alternance politique" est une contradiction. Thatcher a été élue, puis réélue deux fois, puis a été limogée par son parti de peur qu'elle ne perde les élections suivantes. Les communistes n'ont que rarement autorisé des éléctions libres, à ma connaissance. (Et incidemment, si les années Thatcher ont effectivement vu une forte augmentation des inégalités, toutes les (grandes) catégories sociales ont vu leur pouvoir d'achat augmenter).
Je suis d'accord avec Stiglitz sur le fait que la transition post-communiste a été mal gérée en Russie, même si je pense qu'il sous-estime les contraintes (notamment les craintes que faisait peser une possible dissémination d'armes nucléaires). Mais cataloguer Poutine comme libéral ? Quant à la baisse de l'espérance de vie, il me semble qu'on ne la comprend pas bien. Elle a commencé à baisser dès 1980, en fait, avec la dégradation de l'économie (alors) soviétique. La désorganisation de systèmes de santé a commencé alors, et n'a fait que s'aggraver avec la transition. L'explosion de la violence et de l'alcoolisme y sont aussi pour quelque chose. Pour poursuivre dans la comptabilité macabre, mourir à 65 ans au lieu de 70 n'est pas tout à fait la même chose que mourir d'une balle dans la nuque ou de faim ou de froid à 40 ans...
Rédigé par : Bernard Salanié | 08 juillet 2005 à 08:12
Le libéralisme etant avant tout une doctrine de droit visant a limiter et definir les pouvoirs de l'état, je vois mal comment on pourrait accuser des etats d'avoir tué du monde à cause de politques libérales , jusqu'à présent c'est plutôt ( le chien de mickey ) l'inverse.
J'ai l'impression que vous melangez un peu tout et n'importe quoi minq.
Rédigé par : Nade | 08 juillet 2005 à 08:22
Nade et B. Salanié:
Excusez-moi, je trouve que c'est plutôt vous qui mélangez et confondez le libéralisme "doctrine de droit" et le libéralisme "politique économique à la Friedman".
Il y a des libéraux qui ne sont pas thatchériens, vous en conviendrez. Il y en a même, tels Mill, qui seraient plutôt sur le plan économique "socialisants". Donc, ne confondons pas la partie "programme économique" prônée par Friedman, que je critique, et la partie "doctrine de droit" que tous les libéraux, y compris moi, partagent.
Ainsi, si l'on tient compte de cette distinction entre ce qui est politique et économique, il ne me paraît y avoir aucune contradiction quand je parle de "thatchérisme pendant 70 ans et sans alternance politique". Est-il si difficile d'imaginer que Pinochet ait pû poursuivre au Chili son programme économique thatchérien pendant 70 ans? De même, l'argument sur Poutine. Au demeurant, le programme friedmanien sent fortement le capitalisme façon XIXè siècle, qui a bien eu cours pendant des décennies (avec les résultats connus).
En ce qui concerne la situation économique russe, elle avait bien déjà commencé à se dégrader au moment où le traitement de choc du FMI est arrivé. C'est indéniable, mais ce qui est remis en cause c'est le remède (tendance Friedman) et non la maladie (dégradation économique). D'autres pays post-communistes (la Pologne par exemple), souffrant du même mal, ont utilisé d'autres remèdes plus modérés avec plus de bonheur.
Toujours sur la comptabilité macabre, si un programme économique fait en sorte d'augmenter l'alcoolisme, la violence et la mortalité infantile, ne faut-il pas porter à son compte les morts qui en résultent? (ceux-ci pouvant être aussi bien âgés de 2 jours, de 40 ans que de 65 ans: il s'agit d'une moyenne. De même, toutes les victimes du communisme n'étaient pas âgées de 40 ans.)
Rédigé par : minq | 08 juillet 2005 à 09:27
Je vais abandonner ce débat (faute de temps). Je me permets juste, et sans intention offensante, de vous suggérer la lecture d'un manuel d'histoire des faits économiques, qui pourrait vous aider à corriger certaines erreurs factuelles (et de voir par exemple que le niveau de vie ouvrier s'est nettement amélioré entre 1850 et 1914).
Rédigé par : Bernard Salanié | 08 juillet 2005 à 10:50
Vous m'offensez tout de même un peu. Je sais pertinemment que le niveau de vie ouvrier s'est nettement amélioré entre 1850 et 1914. Par contre, vous feignez d'oublier que ce fait n'est pas dû aux bons conseils des Friedman de l'époque mais plutôt malgré eux. Ces améliorations du niveau de vie, fruit d'avancées sociales telles que la limitation du nombre d'heures travaillées à la journée, nous le devons pour l'essentiel aux luttes sociales menées par la classe ouvrière (et parfois le mouvement libéral de l'époque), et plus largement à la démocratisation de nos sociétés.
Rédigé par : ming | 08 juillet 2005 à 12:22
Je pense que nous ne confondons rien , mais que le liberalisme economique n'est qu'une resultante du liberalisme de droit.
Bien que le programme de Pinochet ait éte d'inspiration libéral , il faut savoir que la plupart des entreprises "privatisés" sont restés au mains de cartels très en rapport avec l'Etat ,ce qui a completement annulé les effets positifs de certaines mesures.
Le niveau de vie ne s'est jamais autant amélioré qu'au cours du 18/19 eme siècles...
Je vous conseille le "plaidoyer pour la mondialisation capitaliste " de Johan Norberg , beacoup de fait documenté et une grosse bibliographie.
Rédigé par : Nade | 08 juillet 2005 à 19:12