On sait la levée de boucliers qu'a soulevé la directive Bolkestein sur la libéralisation du marché des services en Europe. Mais le grand public (à défaut des lecteurs de ce blog) connaît moins l'autre directive Bolkestein, qui porte sur la brevetabilité des logiciels.
Pour ceux qui ont raté les épisodes précédents : la Convention Européenne des brevets de 1973 excluait spécifiquement les programmes d'ordinateurs. Son article 52 ("Patentable Inventions") énonce que :
- European patents shall be granted for inventions, as far as they are new, involve an inventive step and are susceptible of industrial application.
- The following in particular shall not be regarded as inventions within the meaning of paragraph 1:
- discoveries, scientific theories and mathematical methods;
- aesthetic creations;
- schemes, rules and methods for performing mental acts, playing games or doing business, and programs for computers;
- presentations of information.
A partir du milieu des années 80, l'Office Européen des Brevets a cherché à annuler les clauses limitatives de l'article 52 ; il a ainsi proposé en 2000 (les lenteurs bureaucratiques protègent parfois les citoyens) de le remplacer par l'énoncé suivant :
European patents shall be granted for inventions in all fields of technology, as far as they are new, involve an inventive step and are susceptible of industrial application.
Les utilisateurs de logiciels, la communauté "open source" et les petits concepteurs se sont mobilisés à ce stade ; en septembre 2003, le Parlement Européen (notamment sous l'impulsion de Michel Rocard) a amendé la directive proposée par le commissaire Bolkestein en en excluant clairement les brevets de logiciels dans son article IV.a :
4a.1. A computer-implemented invention shall not be regarded as making a technical contribution merely because it involves the use of a computer, network or other programmable apparatus. Accordingly, inventions involving computer programs which implement business, mathematical or other methods and do not produce any technical effects beyond the normal physical interactions between a program and the computer, network or other programmable apparatus in which it is run shall not be patentable.
4a.2. Member States shall ensure that computer-implemented solutions to technical problems are not considered to be patentable inventions merely because they improve efficiency in the use of resources within the data processing system.
La suite est une bonne illustration de mes raisons de voter "non" au TCE. Le Conseil Européen a rééxaminé la directive ; le 18 mai 2004, il a rétabli (parfois en pire) les articles rejetés par le Parlement. Plusieurs parlements nationaux (en Allemagne, aux Pays-Bas notamment) ont désavoué leur gouvernement et ont exigé qu'il révise sa position favorable aux brevets de logiciels. Dans une très grande transparence (on a par exemple coupé le micro du ministre néerlandais qui devait exprimer la position de rejet de ses parlementaires), le Conseil a confimé sa position en mars dernier. C'est maintenant au Parlement Européen de prendre position ; Michel Rocard doit lui soumettre un rapport le 20 juin. Ceci dit, l'Office Européen de Brevets a déjà approuvé (dans des conditions légales un peu acrobatiques, puisque l'article 52 cité plus haut est toujours en vigueur) la bagatelle de 30000 brevets...
Beaucoup de sites Web donnent une information très complète sur cette mini-saga, par exemple la Foundation for a Free Information Infrastructure. Ils sont généralement gérés par des opposants aux brevets de logiciels ; certains d'entre eux (pas celui de la FFII) y voient d'horribles manœuvres souterraines de Bill Gates, alias Darth Vader. En fait, plusieurs industriels européens comme Nokia, Ericsson ou Phillips soutiennent la Commission et le Conseil contre le Parlement. Mais ce sont les arguments économiques qu'il convient d'examiner ici, du point de vue de nos sociétés et non d'un producteur ou d'un autre.
Notons au passage que ce débat a aussi eu lieu aux Etats-Unis, avec un décalage de dix ans environ. Jusqu'à 1981, aucun brevet ne pouvait être déposé sur un logiciel ; puis une décision de la Cour Suprême a invité l'Office des Brevets à changer ses pratiques. D'après des "guidelines" de 1995, pratiquement tout logiciel est désormais brevetable en Amérique. La seule clause limitative (tout comme en Europe) est que l'innovation contenue dans le logiciel doit être significative. L'ennui, c'est qu'en pratique :
- les offices des brevets sont sous-financés, et leurs personnels ne sont pas assez qualifiés (si vous étiez un bon informaticien, iriez-vous travailler pour une telle administration pour un salaire trois fois inférieur à ce que vous pourriez obtenir dans le secteur privé ?---la différence est sans doute moins forte dans les autres domaines)
- le caractère "significatif" de l'innovation est habituellement vérifié en se fondant sur le "prior art". Dans les autres domaines, c'est le stock de brevets existant qui définit le "prior art". Par implication, rien de ce qui a été inventé dans le domaine logiciel avant la décision de la Cour Suprême américaine en 1981 n'en fait partie... C'est ainsi que le procédé élementaire qui concerne le "ou exclusif" (XOR), très utilisé pour mettre à jour une image graphique depuis la nuit des temps, a fait l'objet d'un brevet aux Etats-Unis. En théorie, tout programmeur qui l'utilise doit payer une redevance à l'"inventeur" (qui est simplement un spéculateur qui a breveté le XOR avant tout le monde). Voici plusieurs autres exemples.
Toutes les grandes entreprises du secteur s'y sont mises : Microsoft bien sûr (3000 demandes de brevets logiciels par an, quand même), mais aussi Amazon (la technologie "one-click") et bien d'autres. Dans un exemple assez récent, l'entreprise SCO, qui avait acheté les droits de la version "officielle" d'UNIX, a tenté de ressusciter en menaçant de poursuites toute personne qui utiliserait Linux, sous le prétexte que Linux utilise certains concepts présents dans UNIX depuis longtemps. Des cabinets d'avocats se sont spécialisés dans le dépôt de multiples brevets et le harcèlement des véritables innovateurs. C'est très facile, et très inquiétant : lorsqu'un logiciel nouveau (et socialement utile) comprend plusieurs dizaines de milliers de lignes de programmes, la probabilité qu'aucune d'entre elles n'applique une méthode déjà brevetée est pratiquement nulle... Même Microsoft s'est fait avoir, et a dû payer 600 millions de dollars pour "patent infringement" à un de ces requins.
Je ne suis pas juriste, et je ne voudrais pas trop m'avancer ; mais quand la réglementation américaine a donné lieu à tant de dérives, est-il bien opportun de la répliquer en Europe ? Le code des programmes est depuis les débuts de l'informatique protégé par le droit d'auteur ("copyright") ; n'y a-t-il pas moyen d'assurer la protection des droits de propriété des innovateurs sans tomber dans les excès ridicules qu'on voit aux Etats-Unis ? Pour moi, je vote contre ici.
Quelques petites remarques en passant:
-le français est l'une des trois langues officielles de la Convention sur le Brevet Européen, vous pouvez vous épargner les citations en anglais
http://www.european-patent-office.org/legal/epc/f/ma1.html#CVN
-les actes communautaires comme l'avis du Parlement européen en 1ère lecture que vous citez existent aussi naturellement tous en version française.
-Vous parlez inexactement du "Conseil Européen", alors qu'il s'agit, erreur classique, du "Conseil" (tout court). Le premier réunit de temps en temps les chefs d'Etats et de gouvernement pour donner des impulsions politiques, le second est le législateur de l'Union (avec le Parlement).
Sinon, c'est très intéressant d'avoir l'avis d'un économiste sur la question, et si j'osais, je vous demanderais bien de développer sur "les arguments économiques qui font des brevets des éléments nécessaires (ou pas) de l'incitation à l'innovation, spécifiquement dans le domaine des logiciels". Ramassage des copies dans 6 heures :)
(J'en avais un peu parlé moi aussi avant de ma rappeler la promesse que je m'étais faite de ne *jamais* aborder de sujet serieux sur mon blog, mais il reste juste quelques éléments sur la page que je mets en lien)
Rédigé par : M LeMaudit | 04 juin 2005 à 13:07
Ah, me faire taper sur les doigts, quel plaisir...(un plaisir que j'inflige plus souvent aux autres). Je préfère mettre les documents en français, mais je refuse de passer plus de cinq minutes à les chercher.
Rédigé par : Bernard Salanié | 04 juin 2005 à 15:48
My pleasure :-p
Rédigé par : M LeMaudit | 04 juin 2005 à 17:20
Un grand merci pour ce billet :). Plusieurs points qui peuvent vous interesser
- C'est ici qu'il faut voter (si vous connaissez des PMEs) : http://www.economic-majority.com/
- La position du conseil (plus il y a de brevet sur tout mieux c'est) est basée sur les travaux d'un économiste http://www.sussex.ac.uk/Units/SEI/people/holmes.html le résumé de sa position http://europa.eu.int/comm/internal_market/en/indprop/comp/ et le document complet http://europa.eu.int/comm/internal_market/en/intprop/indprop/study.pdf
- Les PMEs européennes du logiciel sont (evidemment) majoritairement contre une directive censer les aider, voir ces deux enquetes http://wiki.ffii.org/Ifis050404En et http://wiki.ffii.org/SiEconom0503En
- La décision de la cour supreme des USA (Diamond v. Diehr) n'autorise pas de manière évidente les brevets sur les logiciels "purs" (le cas implique une machine à chauffer le caoutchouc controlée par un logiciel qui exécute un algorithme bien précis).
- L'inde vient de refuser clairement l'extension de la brevetabilite aux logiciels.
- Le cas de SCO est basé sur le droit des contrats (et eventuellement sur le droit d'auteur) mais pas sur le droit des brevets. Tout ca est typiquement obscurci derriere "violation de propriete intellectuelle" qui ne veut rien dire tant les monopoles garantis par l'état regroupés sous le vocable "propriete intellectuelle" sont de fonctionnement et de portee differents.
- En discutant avec des économistes dans d'autres forums j'ai du mal à faire passer mes idées sur le sujet qui se basent sur mes connaissances de praticien (informatique financiere) et qui rejoignent certaines de vos remarques :
1. Un médicament qui rapporte des milliards est protégé par un seul brevet qui dit tout sur le sujet et est connu de tous les acteurs du secteur. En informatique il y a sans aucun doute de 100 a 1000 brevets/algorithmes qui peuvent se retrouver dans tout logiciel significatif. De maniere evidente (pour moi, pas pour les économistes), cela rends immédiatement tres couteux le fait de jouer "honnete" avec le systeme, il faut auparavent identier ces nombreux brevets, prendre contact avec leurs detenteurs, négocier une licence et faire valider cette licence par des juristes. Le simple bon sens dit qu'au dela de 2 ou 3 brevets sur une invention, peut etre 10 ca ne marche plus, ou alors seulement via des grosses entreprises qui de toutes facons se licencie de maniere croisee leur portefeuilles de brevets respectifs (uniques beneficiaires
2. La duree de protection (20 ans) est inadaptee au monde du logiciel actuel. Hors si on reduit la duree de protection, il faut aller aussi plus vite pour valider les brevets ce qui entraine un surcout enorme pour les offices des brevets. Comme vous l'avez précisé il est aussi evident qu'une administration n'arrivera pas à recruter des personnels suffisament compétents et motivés pour se pencher sur l'horrible langage juridique d'un brevet logiciel pour un salaire de fonctionnaire. Et si l'administration etait capable de recruter de tels genies a si peu de frais, pourquoi laisser travailler le privé dans le domaine ? :). Une petite nuance a vos propos, il me semble que les offices des brevets rapportent de l'argent aux
3. L'innovation dans le logiciel est surtout incrémentale, en plein dans les détails de l'implantation et de son adéquation avec les besoins spécifiques de l'utilisateur final et les brevets (en nombre) inhibent ce type d'innovation la. Ensuite 80-90% des praticiens du secteur travaillent non pas chez des editeurs qui vendent des logiciels en supermarché (qu'on nous présente pourtant comme étant "l'informatique" a sauver avec des brevets) mais font du sur mesure pour un seul client, et la aussi les brevets genent plus qu'autre chose.
4. De maniere generale une protection juridique trop forte dans le domaine du logiciel, droit d'auteur ET brevets par exemple sur les interfaces, protocoles et formats de fichiers, finit par desinciter a la qualite et l'innovation (le "vendor lock-in" et "forced update" au detriment du serieux du support client), un sujet plus vaste :). Un article amusant sur le sujet http://www.developerpipeline.com/showArticle.jhtml?articleId=161601769
La réponse standard est que la théorie générale s'applique partout, il faut absolument inciter a l'innovation (voir papier générique sur le sujet), il faut donc des brevets y compris pour les logiciels (pas d'exceptions suspectes), et non vous n'avez rien compris a l'économie de l'innovation et des PMEs. Et il parait que le papier de l'économiste pour la commission prouve l'intéret des brevets logiciels pour les PMEs, mais il me semble plus se baser sur un dogme général qu'autre chose.
Au passage, la position de l'INPI francais est bien sure très pro-brevet logiciel, pour aider les PMEs francaises du logiciel bien sur, donc rien de bien spécifique a l'Europe.
La grande question, si le legislateur arrive a passer une loi claire qui interdit les brevets ou si avec la loi actuelle une jurisprudence de meme nature s'etablit est qui va payer pour nettoyer les brevets logiciels existants en Europe ? 30 000 proces dans 25 pays = 750 000 proces ? Pour reference je crois qu'il y a 10 cours qui sont habilitees en pratique a traiter des affaires de brevet en France ...
Laurent
Rédigé par : guerby | 07 juin 2005 à 17:34
J'ai regardé le rapport pour la Commission de Peter Holmes et al. En préambule, je suis choqué de la méthode qui consiste faire appel à trois économistes inconnus (pas de publication de bon niveau), dont un fait parti d'un "Institut sur la Propriété Intellectuelle" et doit donc avoir quelques a priori sur la question. Il ne manque pourtant pas de bons économistes indépendants en Europe...
Sur le fond, les arguments de ce rapport sont vraiment faibles. "Certes, l'industrie du logiciel a connu sa plus forte explosion avant l'utilisation des brevets, mais il y a des anecdotes qui suggèrent que c'est mieux avec" ; "bien sûr, des brevets abusifs ont été enregistrés aux Etats-Unis, mais on fera mieux en Europe", etc etc. On se moque un peu du monde.
La théorie générale dit qu'il y a un arbitrage entre la protection des droits de propriété sur les innovations (pour créer des incitations à la recherche et développement) et le souhait que ces innovations se diffusent aussi rapidemnt que possible. Il n'y a aucune raison que les termes de cet arbitrage soient invariants dans le temps ou entre secteurs. Et je pense qu'il y a de bons arguments pour dire que la protection doit être moins stricte dans le secteur du logiciel.
Rédigé par : Bernard Salanié | 08 juin 2005 à 04:36
Merci pour votre réponse. Si vous avez des references d'economistes europeens interesses par le sujet, je suis preneur. Je suis allé par curiosité à la conférence "Third bi-annual Conference on the Economics of the Software and Internet Industries" en janvier a Toulouse http://www.idei.fr/activity.php?a=2926 et j'ai été très surpris du traitement totalement générique du problème des brevets logiciels par les économistes présents, malgré la présentation éloquente du "speaker" de l'industrie de la standardisation des protocoles Telecom qui a dit clairement la catastrophe pratique que representait les brevets dans ce domaine et dans sa (longue) expérience.
Sur l'Europe, en pratique la commission choisissant son "expert" pour le rapport préalable a une loi bien evidemment choisit ce qu'elle veut entendre et a toute latitude pour ignorer tout le monde durant toute la procédure de codécision (incluant pétition et parlement). Si ca ne passe pas a la fin, ce n'est pas grave on repassera une variante jusqu'a que ca passe par lassitude ... Malheureusement le "non" ne sauvera pas le domaine de la propriete intellectuelle de ce travestissement de la democratie, mais au moins ca empechera une extension de l'horreur a d'autres domaines, au moins temporairement.
J'ai oublie de terminer une phrase dans mon message :
"Une petite nuance a vos propos, il me semble que les offices des brevets rapportent de l'argent aux" Etats ce qui expliquerait un silence complaisant des politiques. En effet, un office des brevets est payé au nombre de brevet déposés, il est donc trivial de voir que l'incitation de ce systeme n'est pas a moins de brevet de meilleure qualité (augmentation des couts pour moins de revenu car plus de rejet), mais bien a un controle nul de qualité pour faire du chiffre (augmentation des revenus et diminution des couts). A personnel constant ou presque le nombre de brevet a explosé, ce qui me parait coherent avec une manne financiere discrete qui n'incite pas le politique a mettre le nez dans la cuisine et les derive de ces administrations.
Laurent
Rédigé par : guerby | 08 juin 2005 à 07:06
"Malheureusement le "non" ne sauvera pas le domaine de la propriete intellectuelle de ce travestissement de la democratie, mais au moins ca empechera une extension de l'horreur a d'autres domaines, au moins temporairement."
Attention : le terme "horreur" quand il s'agit d'économie peut vous conduire très vite à un point Godwin (si, si... horreur -> sang -> génocide -> nazis, c'est une réthorique utilisée par les rouges-bruns pour condamner ce qu'ils appellent "libéral"). Ou, pire, à Viviane Forrester...
Rédigé par : Econolaste-SM | 08 juin 2005 à 16:53
Horreur se referrait a "travestissement de democratie" (dans le sens commission sans contre pouvoir representatif effectif), pas au debat brevet logiciel vs "economie", desole si ce n'est pas clair dans ma phrase.
Ceci dit les brevets logiciels et methode d'affaire sont bien proche d'une "horreur" au niveau economique (je suis totalement objectif :), c'est juste qu'une petite minorité d'economistes le pense et encore moins l'ecrivent et prennent leur plume pour denoncer publiquement les travaux "baclés" d'un collegue sur le sujet. Pour le reste c'est limpide brevet illimité c'est cool sinon zero innovation n'est possible, quelque soit le domaine, pas d'exception, merci, au revoir.
Laurent
Rédigé par : guerby | 08 juin 2005 à 18:52
Sur la démocratie, l'UE et la Commission, je ne vais pas démarrer un débat, mais bon, je ne souscris pas à l'utilisation du terme "horreur" dans ce contexte. Pourmoi, l' "horreur", c'est l'Afrique, la Corée du Nord etc. Dans "travestissement" et "horreur", il y a une connotation intentionnelle qui ne me convient pas, dans la mesure où je ne suis pas adepte des théories du complot. Si ça veut dire qu'il y a des progrès, voire conséquents, à accomplir, ok.
"c'est juste qu'une petite minorité d'economistes le pense et encore moins l'ecrivent"
Je n'ai pas fait de "sondage", donc je ne saurais dire si la première assertion est exacte. Disons que chez les économistes que je lis, je n'ai jamais vu de défense unilatérale des brevets logiciel. Pour la deuxième, c'est probablement un peu plus vrai, si on suppose (comme je le fais) que la majorité des économistes (sérieux) n'y sont pas favorables. A vérifier... Mais, il n'y a qu'à lire la théorie économique standard sur la propriété intellectuelle pour se persuader qu'un économiste ne peut pas souscrire sans fortes réserves à l'idée de brevets logiciel.
Il est vrai que l'enjeu est plus qu'important et il serait bon d'en parler plus. Mais, au fond, les économistes sont à l'image de la société sur ce point. Quand on y réfléchit bien, compte tenu de l'importance du logiciel, on n'en parle pas assez. Le coût d'entrée technique élevé dans le débat en est-il une cause ? Il me semble que les gens retiennent deux idées : un inventeur doit être protégé ; on ne doit pas empêcher les idées de circuler. Et ensuite, chacun choisit un camp. Ce qui donne lieu à des points de vue simplistes, d'autant que c'est toujours rattaché à d'autres aspects sans pertinence réelle (genre : "tout est cher dans ce pays => je pirate" ou "on ne valorise pas le travail => je soutiens M$").
Rédigé par : Econoclaste-SM | 09 juin 2005 à 05:10
Comme le rappelait Bernard Salanié, et c'est quelque chose que l'on lit assez rarement, toute la question du brevet logiciel en Europe part du coup de force de l'OEB, qui visait clairement à la fois à générer du chiffre d'affaires pour lui et ses agents, et du contentieux pour les cabinets spécialistes de propriété intellectuelle, auquel il est nécessairement lié. J'en parlais dans un article plus tout jeune, mais à priori assez exact à l'époque : http://www.sig-11.org/articles/brevets_logiciels.html
Aujourd'hui, l'implication des Nokia, Alcatel ou Ericsson dans l'affaire, dont on peut comprendre, au vu des emplois qu'ils représentent, que leurs intérêts pèsent plus pour les institutions européennes que ceux des développeurs de KDE ou Mandriva, conduit au paradoxe que cette implication risque de mettre à mal les positions des opposants aux brevets alors même que, à ma connaissance d'ailleurs assez limitée, ces entreprises ne vendent pas de logiciels en tant que tels, mais des matériels utilisant des logiciels.
En d'autres termes on devrait, et tel me semble être le sens de la tentative de Michel Rocard, pouvoir réconcilier les deux : laisser le pur logiciel dans le champ du droit d'auteur, et permettre de breveter les éléments logiciels incorporés dans un matériel et indisociables de celui-ci. Mais ce n'est pas forcément simple.
Par ailleurs, la résistance s'organise aussi aux Etats-Unis, avec la Public Patent Foundation :
http://www.pubpat.org/News.htm
tandis que les développeurs OpenSource s'attachent, eux, à faire respecter leur droit d'auteur :
http://gpl-violations.org/index.html
Bon, évidemment, contre Aldi et Lidl, la partie n'est pas gagnée.
Rédigé par : Denys | 10 juin 2005 à 11:23