Selon "Profession politique ",
Thierry BRETON va intégrer un "chariot type" dans le "tableau de bord" de l'économie française que le ministre des Finances s'est engagé à présenter aux Français tous les trimestres. Cet indicateur comprendra 135 produits dont Bercy suivra l'évolution des prix. La liste précise, tenue secrète, a été élaborée avec six associations de consommateurs. Quelle différence avec le "panier type" de l'INSEE qui permet de déterminer le taux d'inflation ? Ce nouvel indicateur est censé refléter plus fidèlement l'évolution du prix des articles de consommation courante et permettra de surveiller la grande distribution.
"Surveiller la grande distribution", c'était déjà une idée de Nicolas Sarkozy, qui dénonçait une envolée des prix dans les grandes surfaces. Très bien ; mais cela pouvait être fait par l'INSEE en sélectionnant, parmi ses relevés de prix, ceux qui étaient faits dans la grande distribution. L'annonce d'aujourd'hui représente, elle, une régression majeure. Qu'est-ce qui fait un bon indice de prix ?
- il doit être fondé sur un "panier de biens" qui représente bien la consommation du ménage moyen. Quelle garantie avons-nous sur ce point, lorsque le ministre négocie avec les associations de consommateurs sur les articles qui doivent être inclus (et peut-être aussi sur leurs pondérations) ? Les indices aujourd'hui élaborés par les instituts statistiques dans les différents pays développés reposent sur plus de cent ans de réflexions méthodologiques, certaines dues à de très grands économistes comme Irving Fisher ou Ragnar Frisch. Ils doivent se retourner dans leur tombe.
- il ne doit pas pouvoir être manipulé par le gouvernement. Guy Mollet, Président du Conseil au milieu des années 1950, est resté dans la mémoire des statisticiens par la façon dont il dirigeait les efforts de l'administration afin qu'elle pèse à la baisse sur les prix des articles inclus dans l'indice. Cette expérience a conduit l'INSEE à tenir désormais secrète (même envers le gouvernement) la liste de ces articles. La liste sera désormais secrète... sauf pour le ministre. On voit l'ampleur du progrès accompli.
- il doit reposer sur un grand nombre de relevés de prix : environ 18000 pour l'indice de prix de détail de l'INSEE. Qui va les faire ? "Bercy", dit l'annonce. On va donc engager un bataillon d'enquêteurs pour calculer un indice dont la valeur sera plus que douteuse. Les bras m'en tombent---mais c'est sans doute une "mesure sociale".
Il est plus facile de créer un indice démagogique que de libéraliser le secteur de la distribution. En revanche, je doute que ce soit plus efficace pour faire baisser les prix...
Sans vouloir me faire de pub, j'avais publié il y a quelques semaines une note dans le même ton à ce sujet :
http://optimum.tooblog.fr/?2005/03/18/49-linsee-a-raison-les-gens-ont-tord
Rédigé par : Antoine Belgodere | 04 mai 2005 à 17:04
Les relevés de prix de l'INSEE sont-ils disponibles pour les curieux ? Merci par avance, Laurent.
Rédigé par : guerby | 05 mai 2005 à 12:18
Permets-moi de te dire que là, je suis profondément en désaccord avec toi.
Il est inadmissible que le panier de l'indice des prix soit tenu secret, c'est indigne d'une démocratie.
Je ne crois pas du tout à l'argument d'après lequel ce serait pour échapper à des pressions politiques. L'INSEE a une longue tradition d'intégration verticale entre la production de données et la recherche et de rétention d'information qui lui confère un pouvoir de monopole et l'abrite de l'examen de la part de chercheurs indépendants.
Par ailleurs les administrateurs de l'INSEE comme l'élite en général adhèrent à Maastricht et à l'intégration européenne en général, on peut très bien imaginer qu'ils aient fait des efforts pour biaiser l'indice des prix vers le bas.
Je ne crois pas à la soi-disant intégrité des hauts fonctionnaires, in fine l'intégrité dépend du système d'incitations auquel on fait face. Garetta et Haberer étaient aussi des gens très intègres.
Les associations de consommateurs sont parfaitement fondées à penser qu'on leur ment si le panier de biens de l'insee est tenu secret. Personellement j'ai du mal à réconcilier les données macroéconomiques avec mes observations au niveau de la vie quotidienne.
Rédigé par : Gilles Saint-Paul | 06 mai 2005 à 05:05
Dans mon souvenir, la composition de l'indice de l'INSEE et les pondérations des 161 postes sont publiques. On peut ainsi savoir que "le prix moyen des biscuits secs (?), qui représentent x% de l'indice, a augmenté de y%". Les méthodes de traitement (des produits frais, de l'effet qualité, des nouveaux produits) sont également publiques. Ce qui ne l'est pas, c'est la liste détaillée des relevés (exemple : le paquet de barquettes LU aux framboises dans l'épicerie de M. Durand à Argenton-sur-Creuse). Je vérifierai ces informations la semaine prochaine.
Rédigé par : Bernard Salanié | 07 mai 2005 à 03:29
Merci pour la réponse. Je trouve dommage que les organismes publics de collecte d'information comme l'INSEE (mais aussi l'IGN, Météo France, ...) ne rendent pas plus accessible leurs données brutes. Il y a quelques années c'était bien sur technologiquement impossible ou bien trop couteux, mais grace à l'internet ce n'est plus un frein même pour quelques giga octets (en maintenant les données dans le domaine public les réseaux P2P feront l'affaire :).
A la limite je trouve preferable d'avoir les données brutes plutot que la formulette finale retenue, au moins on peut engager un débat raisonné et discuter des alternatives, ca fait un peu moins "la science vous a parlé d'en haut".
Rédigé par : guerby | 08 mai 2005 à 18:00
Renseignements pris, l'INSEE publie régulièrement l'évolution des prix à un niveau très détaillée (305 postes). Cette publication n'est qu'annuelle, précision oblige ; mais elle donne également les pondérations de ces postes dans l'indice, qui sont revues tous les ans en fonction de l'évolution de la consommation. Voici la dernière publication de ce type :
http://www.insee.fr/fr/indicateur/indic_conj/donnees/ipca.pdf
Aller plus loin (donner accès par exemple aux 200 000 relevés de prix individuels chaque mois) obligerait, pour qu'ils soient vérifiables, à spécifier dans quel magasin et sur quel produit spécifique ils ont été faits. Il me semble qu'il deviendrait alors difficile de se prémunir contre les manipulations stratégiques.
Rédigé par : Bernard Salanié | 09 mai 2005 à 14:53
Bernard, merci pour le lien je regarderai ce soir. Le chiffre actuel de l'INSEE n'est pas verifiable mais publier la liste sans le magasin / date donnera quand meme une grande lattitude pour la recherche, et on peut sans doute accorder une certaine confiance a l'INSEE, et a defaut des etudes independantes a petite echelle peuvent corroborrer les donnees. J'avoue ne pas trop croire a la possibilite de manipulation stratégique, surtout si l'INSEE prends la simple precaution de changer la liste des magasins, produits et date du relevé de maniere a introduire un peu d'alea et surtout de publier a posteriori. Pour la verification, ca aiderai grandement a valider dans la limite du bruit introduit par les changements de prix dans le temps.
Sais-tu a qui il faudrait soumettre la question pour recueillir le point de vue de l'INSEE sur la question ?
Laurent
Rédigé par : guerby | 10 mai 2005 à 03:14
http://www.insee.fr/fr/ppp/contacter.htm, je suppose.
Rédigé par : Bernard Salanié | 11 mai 2005 à 03:26