Je vous recommande cette intéressante prise de position de deux enseignants de l'ENS, publiée par Libé ce matin. On se souvient que Google a annoncé son intention de numériser et de mettre à disposition gratuitement sur le Web 15 millions d'ouvrages. Horreur ! ont réagi Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF et Jacques Chirac : revoilà l'hégémonie américaine (l'un des deux fondateurs de Google est russe, mais passons), qui va se manifester par une surreprésentation des documents en anglais dans le fonds qui sera numérisé par Google. Heureusement, il y a l'Europe ! Nous allons donc nous concerter avec nos partenaires afin de préparer une réponse concertée, on va voir ce qu'on va voir.
Mais pourquoi faire appel à l'Europe ? Comme le suggèrent les auteurs de la tribune dans Libé, le principe de subsidiarité indique à l'évidence que c'est à chaque Etat de numériser ses collections s'il le souhaite. Où sont les économies d'échelle ou les externalités qui justifieraient une intervention européenne ? L'interprétation la plus probable est que Jacques Chirac a simplement "gesticulé" pour manifester son existence, et attend sagement que l'Europe enterre cette histoire. Mais il suffirait de donner une dizaine de millions d'euros par an (soit un maigre 0,4% du budget du Ministère de la Culture) pour numériser les ouvrages des bibliothèques françaises ; faute de financement, la BNF n'a pu numériser que 700000 ouvrages en dix ans... Personnellement, je suis prêt à verser mon obole pour que ce rythme s'accélère.
Et bien moi je préfère avoir ce service par Google:
- ce sera gratuit;
- en contrepartie il y aura des liens commerciaux pas franchement gênants entre nous;
- ce sera forcément mieux fait que les grosses bouzes genre Gallica!!!
Rédigé par : etienne | 30 mai 2005 à 13:03
La BNF ne mets pas les documents du domaine dans le domaine public, elle pretends avoir des droits d'auteur dessus, voir les mentions legales. Et si vous demandez on vous repondra non, je ne suis pas le seul a avoir fait cette experience.
Il faudra donc attendre les americains pour pouvoir jouir en toute liberte des oeuvres francaise dans le domaine public, via google ou via http://www.gutenberg.org/
En apres bien sur que nos chers editeurs gaulois les attaquent en justice car les dates d'entree dans le domaine public ne sont pas les memes ailleurs que chez nous et il faut donc proteger les francais de cette vulgaire piraterie. Je delire ? Voir l'action des PUFs :
http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/droits_auteur/droits_auteur_PUF.html
Et ce principe est malheureusement generalise a tous les services de l'etat qui protegent efficacement les montagnes de donnees financees avec les impots des generations passees et qui attendent patiemment une privatisation juteuse.
Pour obtenir des cartes librement utilisables du territoire francais par exemple pour http://fr.wikipedia.org/ il faut actuellement les telecharger ... aupres de l'armee americaine. Vous auriez repondu IGN ? Votre imagination travaille trop.
Et c'est la meme histoire pour les textes de lois et la jurisprudence (a ma dernier verification, ca a peut etre change). Et eventuellement pareil pour les donnees INSEE anonymisees, je n'ai pas encore demande.
Vive l'Amerique !
Laurent
Rédigé par : guerby | 30 mai 2005 à 14:47
"la BNF n'a pu numériser que 700000 ouvrages en dix ans..."
il y a un zero de trop,c'est 70 000 en mode image [fac-simile] ce qui n'a rien a voir avec l'approche google [mode texte]
Rédigé par : jck | 31 mai 2005 à 01:05
... Et pourquoi ne pas parler de ce qui raproche, Monsieur Jeanneney passe volontairement sous silence la fructueuse collaboration entra la BNF et la Library of Congress .
http://gallica.bnf.fr/FranceAmerique/fr/D1/Fr1.htm
Essais d'explication de ce silence :
* M Jeanneney dramatise pour recueillir des fonds
* Il aime l'Amérique mais pas Google
« Le programme de numérisation La France en Amérique / France in America est né de discussions entre MM. James H. Billington, président de la Library of Congress, et Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque nationale de France, à l'occasion d'une visite de ce dernier à Washington en novembre 2002. A la suite d'échanges approfondis entre les deux établissements partenaires, une convention a été signée en mai 2004 et confirmée solennellement en octobre de la même année lors de la visite à Paris de M. James H. Billington et du James Madison Council de la Library of Congress.
Cette collection numérique prend place à côté d'autres sites web mis en ligne depuis 2003 et dédiés, eux aussi, à la mémoire commune entre la France et l'Amérique du Nord. »
Rédigé par : all | 31 mai 2005 à 03:21
Une grande partie du bouquin de JNJ aux 100 Nuits est d'un sophisme confondant. JNJ nous explique que l'UE aurait les moyens de débloquer 200 millions de dollars, comme Google : je ne vois pas en quoi cela a valeur d'argument. Google possède 200 millions + une volonté commerciale immédiate et compétente : ne pas la saisir, c'est comme crever de faim, passer devant un restau du Coeur et continuer sa route sous prétexte qu'une hypothétique aide sociale viendra un jour combler le manque.
Le bouquin de JNJ est un sommet de mercantilisme, à le lire on a l'impression d'être revenu sous l'Ancien Régime : grandeur "éclatante" (page 87 je crois) de la France, bref, limiter les imports augmenter les exports, le scan de livres est un jeu à somme nulle, etc.
Vouloir redynamiser l'Europe documentaire est une bonne initiative, mais tout le reste de la démarche est un repli crispé et identitaire qui produit l'effet inverse (marginalisation de la France).
Le pire reste quand même l'auto-satisfaction devant Gallica, alors que c'est le symbole même de l'échec français. Comme l'écrit Pierre Rosanvallon dans L'Etat en France : "les grands projets confrontés à la réalité des petits arrangements". Gallica est anti-ergonomique, désagréable à l'utilisation, spectaculairement lent : un exemple-type, un cas d'école de ratage au niveau de l'interface. C'est tellement mal foutu que ça coûte certainement des mille et des cent à entretenir, d'où l'exaspération qui a conduit aux restriction de budget. Selon un processus de sédimentation tout bête, les erreurs coûtent de plus en plus cher : Gallica est voué à l'échec.
Et ce sont les mêmes qui critiquent Google Print alors que, en tant qu'étudiant en SHS, je peux en témoigner, ce projet est un lifesaver, un outil d'excellente facture. JNJ menace : "et si Google disparaissait ?" Avec le capital que Google a levé, (1) il risque de durer plus longtemps que la BNF (2) il serait racheté à prix d'or dans l'éventualité ultime d'un crash. L'argument est vraiment très spécieux, le livre m'a laissé encore moins convaincu que je ne l'étais.
La règle derrière la diffusion du savoir est simple : sous réserve de respecter une limite politique et économique de propriété intellectuelle, TOUTE diffusion est bénéfique et accroît le patrimoine mondial. Ca fait des éons que l'UNESCO essaie de réaliser un dixième de Google Print. L'intérêt purement parisien de la BNF joue à plein contre le reste du monde, c'est très dommage.
Rédigé par : François | 31 mai 2005 à 07:25
Hors-sujet :
- Le lien vers votre page du CREST ne semble plus fonctionner.
- Ici : http://urfistinfo.blogs.com/urfist_info/2005/05/universit_4500_.html
... on demande l'avis d'un économiste sur celà : http://www.liberation.fr/page.php?Article=300271
J'ai pensé à vous et à votre lectorat (Econoclaste, Milan, Ceteris, Optimum), qui tient aussi bcp de blogs éco-orientés de qualité.
Rédigé par : François | 31 mai 2005 à 08:15
Effectivement, sur Gallica seuls 70000 ouvrages sont numérisés : 1250 en mode texte, et le reste en image scannée, ce qui est lourd (énormes fichiers pdf) et peu commode (pas "searchable"). On y trouve quand même des perles, comme le "Catéchisme d'économie politique" de Jean-Baptiste Say, qui commence par :
Question---Que nous enseigne l'économie politique ?
Réponse--- Elle nous enseigne comment les richesses sont produites, distribuées et consommées dans la société.
Le commentaire de François se rapporte à l'article de mes collègues Robert Gary-Bobo et Alain Trannoy dans la Revue Française d'Economie sur les droits de scolarité ; j'y reviendrai bientôt, j'espère.
Rédigé par : Bernard Salanié | 31 mai 2005 à 17:11
A propos du hors-sujet de François :
si les questions d'économie de l'éducation intéressent des non spécialistes du sujet, je peux d'ores et déjà vous conseiller la lecture d'un "repère" qui est sorti récemment, intitulé "Economie de l'éducation", écrit par Marc Gurgand. Chouette petit livre qui fait très bien le tour du thème. Il se lit très vite et est accessible à tout le monde. Je dois le chroniquer sur notre site dans les jours à venir.
Au passage, notre livre du mois est l'oeuvre d'un auteur que personne ne connaît ici ;o)
http://econo.free.fr/scripts/livre.php3
Rédigé par : Econoclaste-SM | 31 mai 2005 à 19:49
Merci à Econoclaste pour sa critique de mon livre. Si vous pensez que nous sommes en ligue, vous pouvez vous faire votre propre impression ici :
http://bsalanie.blogs.com/lelivre.html
Rédigé par : Bernard Salanié | 01 juin 2005 à 04:32
"Si vous pensez que nous sommes en ligue"
Oui, j'hésitais à évoquer cette potentielle ambiguïté. Je veux la dissiper et replacer la chronique d'Alexandre dans son contexte. Car ça peut prêter à confusion.
Alexandre a lu ce livre depuis un moment. Or, parfois, en fonction de nos agendas, certaines notes sur de bons bouquins passent à la trappe un moment. Cela a été le cas avec celui-ci.
Et c'est vrai que lorsque Bernard Salanié a ouvert son blog, il nous est revenu en tête qu'on l'avait oublié. D'où cette publication aujourd'hui.
Le jour n'est pas venu où nous publierons une chronique de complaisance. J'ai la main sur le coeur, mais bon, personne ne le voit :o)
De toute façon, ce texte a en effet été salué par suffisamment de commentaires pour que le nôtre ne soit qu'anecdotique.
Rédigé par : Econoclaste-SM | 01 juin 2005 à 12:24
> A propos du hors-sujet de François :
Une discussion sur le sujet de la gratuité de l'enseignement supérieur a eu lieu sur le blog d'Emmanuel (Ceteris Paribus) le 14/04 (à propos des élections législatives et de la réforme du financement de l'enseignement supérieur au Royaume-Uni)
... Mais tous les commentaires ont disparu (il semble que son blog ne les conserve pas plus d'un mois). Peut-être peux-tu lui demander s'il en a gardé la trace.
Sinon, le résumé de mon avis : Vive l'enseignement supérieur payant, plus équitable et plus efficace! (Je développerai peut-être ce point de vue dans une note prochainement).
Rédigé par : Milan | 01 juin 2005 à 15:55
Milan : "Vive l'enseignement supérieur payant, plus équitable et plus efficace! (Je développerai peut-être ce point de vue dans une note prochainement)."
Ah, ben vaut mieux que tu développes. Sinon, tu vas morfler pour pas un rond...
Plus j'y réfléchis et plus je me dis que le bouquin que j'ai cité est à conseiller pour le grand public.
Outre le contenu, il confirme pour moi un certain nombre de points positifs observables depuis un certain temps :
- de l'intérêt académique et des progrès dans la compréhension des phénomènes économiques qui comptent pour le grand public. "Encore heureux" pourrait-on dire, mais ce ne fut pas nécessairement toujours le cas (*)
- la capacité de bons économistes à les rendre accessibles, même en français
- l'importance accordée aux méthodes empiriques -- leur discussion en profondeur. Fini la citation d'une petite étude "home made" pour boucler le tout
- des références systématiques (fussent-elles rapides) à ce que disent les autres sciences sociales sur les sujets clairement transversaux.
Ce sont je crois des tendances qui vont dans le bon sens sur le fond et, surtout, sur la forme qu'elles prennent.
(*) Voir cette blague, qui peut l'illustrer dans un sens : "Un économiste est planté une nuit devant un réverbère, scrutant le sol . Une voiture de police passe et s'arrête. Un policier lui demande s'il a perdu quelque chose. L'économiste lui répond qu'il a perdu ses clés dans l'allée devant sa maison, à 50 mètres de là. Le policier, un peu circonspect, lui dit : " Mais si vous les avez perdues là bas, pourquoi chercher là ?". Ce à quoi l'économiste répond : 'On y voit mieux ici'."
Rédigé par : Econoclaste-SM | 01 juin 2005 à 19:20
> SM
Je te trouve bien optimiste quant "aux progrès dans la compréhension des phénomènes économiques" par le grand public. Mais tant mieux si tu as raison. Peut-être est-ce moi qui vois tout en noir ces derniers temps.
OK je (re)expliquerai pourquoi je pense du bien de la réforme britannique de l'enseignement supérieur (et des réflexions de Gary-Bobo & alii - différentes mais dans le même esprit me semble-t-il - quand j'en aurai une connaissance plus précise).
Rédigé par : Milan | 02 juin 2005 à 08:05
"Je te trouve bien optimiste quant "aux progrès dans la compréhension des phénomènes économiques" par le grand public"
Oula, Milan ! Je n'ai jamais écrit ça !
J'ai dit que les économistes écrivent plus sur ces thèmes et les comprennent probablement mieux. Nuance de taille !
Rédigé par : Econoclaste-SM | 02 juin 2005 à 13:56
Ah... j'avais mal lu. Désolé.
Dommage, j'espérais que tu avais des élèments pour étayer ce que j'ai cru être une bonne nouvelle.
Rédigé par : Milan | 03 juin 2005 à 02:33
Non, non, je ne sers pas de repas gratuits.
A ce sujet, quelques commentaires personnels qui ne se veulent pas (tous) catégoriques.
Je constate depuis que nous tenons le site qu'il existe vraiment une population prête à lire ce que disent les économistes.
Ce qui me semble très intéressant, c'est qu'ils sont généralement prêts à lire aussi bien du main stream que de l'hétérodoxe, des textes dérivés du format académique ou plus proche de l'essai très grand public.
Ce qui me rassure, c'est que cette partie des lecteurs en a marre de ne voir que de la daube en têtes de gondoles à la FNAC. Ce qui ouvre un espace pour la qualité.
Ce qui est dramatiquement évident et normal, c'est que la FNAC s'en tape.
Ce qui est dommage, c'est que ce genre de lecteurs reste, à vue de nez, une minorité.
Rédigé par : Econoclaste-SM | 03 juin 2005 à 13:34